Eglise en monde ouvrier

Mgr. Marius MAZIERS
Appartenir à l'Eglise - n°5 Mai - Juin 1976 - Page n° 66

Attestations

 Le monde ouvrier s'est formé en marge de l'église. Quelles sont les conditions théoriques et pratiques de cette séparation ? Comment à l'heure actuelle se présente en France l'évangélisation du monde ouvrier ? Un pasteur donne son témoignage.

Les deux premières pages, 66-67, sont jointes.

LE témoignage que je porte sur l'Église en monde ouvrier a nécessairement les limites d'une expérience apostolique localisée, située dans un lieu et un moment de l'histoire. Elle est celle d'un prêtre, d'un évêque qui, depuis quarante ans, porte plus particulièrement le souci de l'évangélisation dans la classe ouvrière de France.

Une situation conflictuelle

Eglise et classe ouvrière : deux mots, deux réalités qui, en France, depuis la naissance de la civilisation industrielle, évoquent un long et douloureux malentendu. Il ne se situe pas au niveau de la foi chrétienne, de la mission de l'Église de Jésus-Christ dans l'histoire de l'homme, mais à celui du visage visible de l'Église.

La classe ouvrière et, en elle, le mouvement ouvrier, depuis la première moitié du 19e siècle, s'est constituée comme un ensemble humain ayant sa consistance propre, son originalité culturelle et ses institutions. Son histoire est jalonnée d'événements difficiles et douloureux auxquels se réfère la mémoire ouvrière comme point d'appui des luttes à mener et de l'espérance à soutenir.

Cette histoire dans son dynamisme profond a été vécue hors de l'influence de l'Église quand ce n'est pas contre elle. Aux yeux de la classe ouvrière, l'Église a été et reste perçue comme une institution liée à une culture, à un type d'organisation sociale et politique, à des idéologies sous-jacentes qui font obstacle aux aspirations profondes s'exprimant à travers le mouvement ouvrier. Le divorce est tel qu'il a été longtemps difficile (et qu'en beaucoup de cas il reste encore difficile) de se dire chrétien sans trahir les intérêts de la classe ouvrière. Nombreux sont ceux qui pourraient corroborer ce témoignage d'un militant :

« Quand, voilà 13 ans, j'ai demandé ma carte syndicale au militant du service où je venais d'arriver, un autre militant lui a dit : « Attention, Marcel, ne lui donne pas, c'est un calotin ». Il avait repéré que j'allais à la messe. Cette méfiance vis-à-vis des chrétiens et de l'Église, je l'ai rencontrée de nombreuses fois depuis, aussi bien chez des travailleurs tout simples que chez des militants expérimentés.

« Dans ma propre vie, à travers les prises de conscience, les compétences acquises dans l'action ouvrière, face aux difficultés, incompréhensions ou silences gênants dont j'ai souffert dans l'Église, j'ai quelquefois moi-même l'impression que « plus je deviens militant ouvrier, « plus je trouve lourd le poids de mon appartenance à l'Église, plus je trouve difficile la rencontre avec certains chrétiens » . D'où vient donc ce malaise profond ? »

De son côté, l'Eglise, à cause de la prédominance dans la composition des communautés chrétiennes du monde rural et des milieux indépendants, est restée longtemps sociologiquement étrangère au monde ouvrier. La lutte menée par la classe ouvrière pour sa libération est non seulement difficilement comprise, mais aussi jugée de l'extérieur et suspectée. Le marxisme qui, en France, s'est intégré progressivement dans le mouvement ouvrier comme dans son terreau privilégié, a accentué la coupure et la difficulté du dialogue. Nombreux sont les chrétiens qui se sont servis de lui, de son incompatibilité idéologique avec la foi, pour récuser et combattre des aspirations fondamentales du monde ouvrier. Ce divorce entre la classe ouvrière et l'Église, qui a déjà une longue histoire, risque de s'accentuer en raison du durcissement des conflits idéologiques et politiques qui sont la marque de la période que nous vivons.

Une situation intolérable au regard de la foi

L'Église, signe de l'amour du Christ pour le monde, ne saurait prendre son parti d'une telle situation. L'abbé Cardjin disait justement : « L'Église sans la classe ouvrière n'est pas l'Église de Jésus-Christ ». L'enseignement de Vatican II nous rappelle constamment qu'elle doit être signe et moyen d'union au Christ pour tous les hommes :

«A cette union avec le Christ qui est lumière du monde, de qui nous procédons, par qui nous vivons et vers qui nous tendons, tous les hommes sont appelés » (Lumen Gentium n° 3).

« L'unique peuple de Dieu est présent dans tous les peuples de la terre, empruntant à tous les peuples ses propres citoyens. Il ne retire rien aux richesses temporelles de quelque peuple que ce soit. Au contraire, il sert et assume toutes les richesses, les ressources et formes de vie des peuples en ce qu'elles ont de bon » (Lumen Gentium n° 13).

Ce qui est une exigence de la mission de l'Église répond à une attente secrète du monde des travailleurs. Dans une rencontre nationale de l'A.C.O., un militant l'exprimait en ces termes : (p.67)

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