Pour la souffrance du corps, je suis un petit enfant"

Guy GAUCHER
La Maladie - n°133 Septembre - Octobre 1997 - Page n° 29

La maladie, l'agonie et la mort de Thérèse de Lisieux ne sauraient constituer une hagiographie édifiante: le témoignage de ses manuscrits lève le masque sur la solitude d'une malade livrée sans défense à la souffrance et à l'angoisse. C'est seulement par « la voie d'enfance » qu'elle s'abandonne à l'amour du Christ en s'unissant à sa Passion.

Les images d'Épinal hantent les mémoires : est-ce parce que l'agonie de la « Dame aux camélias » a inspiré le roman, le théâtre, l'opéra et le cinéma que la mort atroce de « la Sainte aux roses » apparaît encore aujourd'hui à certains comme une image pieuse décolorée?

En ces années 1890, la tuberculose tuait environ 150 000 per-sonnes en France. La tranche d'âge vingt et un-trente-cinq ans était la plus touchée. À Lisieux (16 000 habitants), on enterrait en moyenne un tuberculeux par semaine, et une fois sur deux, il s'agissait d'un jeune. Le Calvados était un des départements les plus touchés : la mortalité tuberculeuse pouvait y dépasser 500 pour 100 000 habitants. Ainsi, par la date, l'âge et le lieu, soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte Face, carmélite au monastère de Lisieux, se trouvait dans la catégorie la plus touchée par cette maladie qui a répandu la terreur en France jusque vers 1945, date où les médicaments furent enfin effi-caces. Avant d'être enterrée dans le cimetière de la ville le lundi 4 octobre 1897, totalement inconnue, soeur Thérèse avait vécu malade plusieurs mois, dont les trois derniers à partir du 8 juillet, dans l'infirmerie du Carmel. C'est au cours de l'année 1894 – elle a vingt et un ans – qu'elle commence à ressentir les premiers symptômes de la maladie : mal de gorge persistant (elle avait la gorge délicate et en souffrait souvent), enroue-ment, toux persistante. Le climat très humide du carmel nor-mand, les jeûnes sévères ne lui facilitaient guère une améliora-tion. On lui prodigua alors quelques soins (nitrate d'argent, frictions, sirops, etc.).

Dans la nuit du 2 au 3 avril 1896, puis la nuit suivante (Jeudi et Vendredi Saints), elle a deux hémoptysies. Le médecin consulté repéra une grosse glande au cou, ne diagnostiqua rien de grave et avança qu'un petit vaisseau devait s'être brisé dans sa gorge. Au coeur de l'été 1896, elle fut prise d'une petite toux sèche et persistante. Le médecin la dispensa de l'abstinence de viande pendant quelques semaines. Le mieux ne dura pas. En novembre, la toux reprit de plus belle et depuis, dira Thérèse, « je ne vais que de pire en pire ». (CJ 27.5.10). [...]

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