Corps douloureux et corps christique dans l'Occident médiéval chrétien: péché, souffrance et salut.

Les tourments et les difformités physiques sont représentés dans l'iconographie médiévale dans toute leur crudité. Mais l'architecture des églises évoque un Christ crucifié qui, par ses souffrances rédemptrices, nous entraîne déjà à sa suite vers la lumière de la nouvelle Jérusalem.

Les anomalies physiques et les souffrances semblent, à première vue, hanter l'homme du Moyen Age. Que ce soit sur les murs et le sol des églises sur les mosaïques, les chapiteaux, les piliers et les gargouilles, en marge des manuscrits, sur les sceaux, ou au coeur des contes de l'époque, les difformités et les souffrances du corps humain sont toujours là figurées. Leur forme diffère d'un lieu à l'autre. Ici, les boiteux et des unijambistes, des êtres sans tronc, des danseurs à double corps, des sirènes et des centaures grimacent dans la pierre, là, des bossus, des géants et des nains – tels le « villain » du Chevalier au Lion ou la demoiselle à la mule fauve du Conte du Graal – tous quasi animalisés, et partout la même rupture dans l'harmonie visuelle provoquée par la même expression de douleur, fût-elle ricanante.

De même, dans l'architecture des églises, à de rares exceptions près qui tendent à reproduire la rondeur du Saint-Sépulcre – lui-même d'inspiration byzantine héritée de l'Antiquité, évoquant l'unité et l'éternité de Dieu, – l' Occident médiéval privilégie la forme cruciforme, infini-ment moins abstraite. La vue panoramique sur les églises et les cathédrales montre dans un même regard analogique la forme du bois et celle de l'homme qui y fut attaché. Ses pieds sont au narthex. La nef occupe la place de ses jambes et de ses côtes. Ses épaules sont à la croisée du transept. Sa tête est au choeur. À leur tour, l'emplacement des trous des fenêtres renvoie à celui des plaies du Crucifié. Les rosaces situées au-dessus du portail central, des porches du nord et du sud de l'entrée, occupent respectivement la place des clous des pieds et des mains tandis que l'ensemble des ver-rières de l'abside se déploie à l'emplacement de la couronne d'épines. [...]