Tu ne commettras pas de meurtre (Exode 20, 13 ; Deutéronome 5, 17).
Éditorial: Vincent Carraud : Qui n'a jamais péché? Ne pas tuer : un absolu
De tous les commandements, le cinquième semble le moins discuté et le plus facile à observer : la société contemporaine reconnaît comme un impératif de la raison qu'il ne faut pas tuer, et peu sans doute s'accusent de commettre ce péché. Pourquoi donc tenir encore qu'il s'agisse d'un commandement? Parce que, pour les chrétiens seuls, ce précepte est absolu.
L'interdiction du meurtre
Cardinal Jean-Marie Lustiger : Dieu, auteur de la vie, seul maître de la vie de l'homme
Dieu se dit quand il nous dit : « Tu ne tueras pas », car Il est l'auteur de la vie. Il commande à l'homme d'agir comme Lui. Par le respect de ce commandement, l'homme vit dans la dimension divine. Mais s'il prive son frère de vie, il prend ce qui n'appartient qu'à Dieu.
Grand Rabbin René-Samuel Sirat : « Nous avons assisté au blasphème suprême » Lettre du Grand Rabbin Sirat à Shimon Peres
Les inspirateurs du meurtrier d'Ishaq Rabin se sont rendus coupables d'idolâtrie en absolutisant une valeur, fût-elle aussi importante que le caractère sacré de la terre d'Israël. Ils ont permis de tuer des êtres humains créés à l'image de Dieu. C'est abandonner le monothéisme pour pratiquer le culte de la violence et de la haine.
Michaël Devaux : Vérité de l'amour, mensonge de la mort
La mort a sa logique, celle du mal et du mensonge. Satan me tente et me ment, il est tentateur et homicide dès le commencement. Pour lui faire échec, le commandement divin de l'amour anime le « Tu ne tueras pas » du Décalogue. Face au mensonge de la mort, la vérité de l'amour se fait jour dans une conception de la liberté : l'amour comme relation.
Une « culture de mort » ?
Marc Ouellet : Mystère de Pâques et culture de mort
Devant tant de victimes innocentes de la « culture de mort », l'Église lève les yeux vers le Crucifié dont la passion et la mort assument toutes les tragédies de l'histoire humaine. L'obéissance du Fils a vaincu toutes les désobéissances, et Marie, mère douloureuse et victorieuse, est parole vivante de consolation et de force pour l'Église et son combat.
Michaël Figura : Martyre et imitation de Jésus-Christ
Le martyre chrétien a été compris dès l'origine comme la forme suprême de la confession de la foi au Christ. Il est l'accomplissement d'une vie chrétienne comprise comme imitation de Jésus, ainsi qu'en témoignent de nombreux exemples dans l'Église primitive. Une telle conception du martyre permet également de comprendre comment l'Église a pu reconnaître la sainteté de ceux qui, les persécutions achevées, ont consacré toute leur vie au Christ sans pour autant mourir martyrs.
Emmanuel Housset : La tentation du meurtre et l'appel de la paix selon Emmanuel Lévinas
L'oeuvre de Lévinas est une méditation sur le « tu ne tueras pas » comme commandement qui concentre toute l'éthique. Autrui est celui qui m'altère au plus intime de moi-même et qui tout à la fois m'appelle à la paix et suscite ma haine. Le « tu ne tueras pas » est la parole première du « visage » comme point d'origine de la barbarie comme de la sainteté. Reste à savoir si la responsabilité totale qui m'est ainsi assignée est une possibilité humaine.
Dossier - L'Église et la morale
Cardinal Joseph Ratzinger: Conscience et Vérité
Morale de conscience et morale d'autorité s'opposent, dit-on. Après avoir rappelé le sens de l'infaillibilité de la conscience et de la conscience erronée, le cardinal Ratzinger distingue deux niveaux de conscience : le souvenir originel du bien et du vrai (en effet infaillible) ; la conviction sincère qui doit être suivie mais peut être erronée. Le sens véritable de l'enseignement de l'Église vient de ce qu'elle est l'avocate de la conscience chrétienne.
Philippe Cormier: Le discours moral de l'Église et sa réception : loi naturelle et morale chrétienne
Pour que le discours moral de l'Église puisse être proclamé et reçu, il importe de distinguer deux aspects : la loi morale, naturelle, et s'imposant à tout homme comme un devoir; les préceptes évangéliques, qui dépassent la simple humanité de l'homme et qui obligent le chrétien à aller plus loin, même quand ils sont proposés à tous les hommes.
Signet
Bernard Beignier: Filiation et procréation médicalement assistée
B. Beignier analyse les conséquences morales et juridiques des lois de « Bioéthique » qui se rapportent à l'utilisation de gamètes de donneur pour la procréation médicalement assistée. Présentant l'évolution de la jurisprudence, il montre les contradictions qui concernent le droit du « père ».
Qui n'a jamais péché? Ne pas tuer : un absolu
Vincent Carraud
1. Des dix paroles du Décalogue, la cinquième semble hors de discussion. Qui n'accorderait qu' « il ne faut pas tuer » ? Elle fait même sans doute l'unanimité chez les philosophes, ne fat-ce que comme le cas par excellence de l'application de la règle d'or1. L'interdiction du meurtre est immédiatement universalisable. Des dix commandements, voilà celui dont l'identification à la loi naturelle est la plus évidente. C'est pourtant cette évidence aveuglante qui fait problème. L'interdiction du meurtre est à ce point indiscutée et universelle qu'on ne voit pas pourquoi elle devrait encore prendre la forme d'un commandement. Pourquoi recevoir comme une injonction injustifiée ce qui s'énonce et s'argumente si bien en philosophie morale ? Qui peut me dire « tu ne tueras pas », à moi qui sais le premier qu'il ne faut pas tuer, et qui ai les moyens de le démontrer ? Pourquoi et selon quelle autorité transformer en ordre ce que la raison me convainc de recevoir et de respecter? Que gagne l'interdit raisonnable du meurtre à devenir commandement ? Pourquoi en appeler à la Révélation, là où la raison suffit? Bref, ce commandement semble d'autant plus efficace qu'il n'est est pas un. [...]
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1. « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'il te soit fait » (pour ses antécédents bibliques, voir Tobie 4, 15 et Matthieu 7, 12). La règle d'or est mentionnée explicitement dans le Catéchisme de l'Église catholique, § 2261.
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Morale de conscience et morale d'autorité s'opposent, dit-on. Après avoir rappelé le sens de l'infaillibilité de la conscience et de la conscience erronée, le cardinal Ratzinger distingue deux niveaux de conscience : le souvenir originel du bien et du vrai (en effet infaillible) ; la conviction sincère qui doit être suivie mais peut être erronée. Le sens véritable de l'enseignement de l'Église vient de ce qu'elle est l'avocate de la conscience chrétienne.
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