Pour un statut chrétien du sacré

André MANARANCHE
Les conseils évangéliques - n°36 Juillet - Aout 1981 - Page n° 83

Sacré, sacrifice, sacerdoce, sacrement

 Après les années de désacralisation, au moment du retour de flamme du « paganisme », la question du sacré reste ouverte ; il serait utile, sans doute, de comprendre que le christianisme ne vient pas le supprimer, mais, comme le reste, le convertir.

 

Le programme de dé-sacralisation appartient depuis deux ou trois siècles déjà à la tradition culturelle de l'Occident. Spinoza décroche l'exigence morale d'avec les légendes bibliques et le peuple soi-disant élu qui les utilise, afin de l'amarrer à la raison naturelle et de la proposer à l'universalité des hommes. Kant pense la religion dans les limites de la simple raison et veut rendre l'homme majeur. Saint-Simon entreprend de transposer le catholicisme de façon séculière au profit de la société industrielle ; Comte et Maurras iront dans le même sens, chacun à sa manière, l'un pour étayer le positivisme, l'autre pour appuyer le nationalisme. Feuerbach passe la Révélation chrétienne à l'alambic, distillant cette «essence du christianisme » qui n'est autre que l'humanisme athée. La gauche hégélienne s'oriente vers une dialectique historique qui débouche sur une ère post-chrétienne : Merleau-Ponty en est un bon exemple. Max Weber analyse le désenchantement ou le désensorcellement de la culture moderne. Bultmann veut transcrire l'eschatologie sous une forme crédible par l'homme moderne...

Voilà pourquoi les chantres de la sécularisation, qui se firent entendre il y a une vingtaine d'années dans le Nouveau Continent et dans l'Ancien, enfoncèrent une porte largement ouverte. D'ailleurs, les premiers qui s'y engouffrèrent ne tardèrent pas à revenir sur leurs pas. Ils avaient jeté le bébé avec l'eau du bain. Ils avaient célébré un peu vite les bienfaits de l'urbanisation. Ils avaient pronostiqué à la légère la disparition du sacré. Ils avaient négligé la force libératrice qui se cache sous les formes populaires de la religion. Ils n'avaient pas vu monter la génération. suivante ni deviné ses requêtes. Certains firent amende honorable, comme Harvey Cox, lequel passa avec armes et bagages dans le spiritualisme le plus échevelé.

De nos jours, l'entreprise de décapage de la foi semble s'essouffler. On a usé abondamment du préfixe dé en -mythisant, en dé-sacralisant, en dé-clergifiant, au risque de corroder le tissu en mettant trop de détergent. Surtout, on a redécouvert l'importance de la symbolique : le mythe donne à penser, disait Paul Ricœur. Le P. von Balthasar, de son côté, montre qu'il n'y a pas de chemin qui ramène vers l'arrière, vers une illusoire pureté : pour lui, il s'agit moins de dé-mythiser que de trans-mythiser, c'est-à-dire de comprendre en progressant. Nous allons utiliser cette précieuse suggestion dans un instant [...]

 

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