L'art de durer

La patience, art de vivre le quotidien, n'est ni passivité, ni apathie, ni manque d'imagination. Comprise comme magnanimité, elle nous convertit à l'espérance et s'avère être ainsi une vertu chrétienne.     La première page, 47, est jointe.

IL est presque banal d'affirmer que le rapport au temps s'est profondément modifié chez beaucoup de nos contemporains. Devenus très sensibles au changement, ils perçoivent mal la durée. Ils ne retiennent que l'instant. Ils ramènent toute attitude morale à la sincérité, c'est-à-dire à l'adéquation de ce qu'ils expriment, en parole ou en acte, au sentiment qu'ils éprouvent. Ils ressentent comme hypocrisie toute différence entre l'acte qu'ils posent et la résonance intérieure qui l'accompagne. « Je ne t'aime plus » signifie pour eux : « Je n'éprouve plus rien pour toi en ce moment ». Dès lors, ils suspectent, lorsqu'ils ne le rejettent pas, tout engagement durable. Dans cette quasi-impossibilité à admettre la durée, à l'intégrer dans une perspective sur laquelle bien de nos compagnons croient avoir perdu toute maîtrise personnelle, nous pouvons relever sans doute l'une des sources de la crise actuelle de l'institution du mariage. «Comment pourrais-je m'engager aujourd'hui, en toute sincérité, lorsque je ne connais pas celui que je serai devenu — ou que l'autre sera devenu — dans dix ans, dans trente ans, demain ?» Par là encore s'explique en partie la formidable crise de l'engagement dans le ministère presbytéral ou dans la vie religieuse qui secoue depuis une vingtaine d'années la communauté catholique et dont il serait hasardeux de penser (p.47)

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Jean-Louis BRUGUES o.p.