Le salut réalisé « une fois pour toutes »

Face à toutes les tentatives pour présenter le message chrétien à une mentalité «orientale» se dresse une difficulté centrale : le christianisme est fondé sur un événement, et sur un événement qui a eu lieu une seule fois, et une fois pour toutes.Impossible donc de considérer l'histoire comme illusoire ou insignifiante. La difficulté se profile à presque tous les niveaux de la rencontre entre christianisme et bouddhisme, et jusque dans la conception de l'Église.

La question que pose notre titre renvoie au problème central sous-jacent à tous les thèmes d'une théologie orientée vers la mission dans sa rencontre avec les Asiatiques. Pour bien des représentations, valeurs, rites et usages des grandes religions de l'Asie, nous pouvons, au sens de la tâche que le Concile Vatican II a fixée au dialogue avec les adhérents d'autres religions, trouver des points d'ancrage, et les mettre au service de la compréhension et de l'assimilation du message chrétien. On trouve justement en Asie des exemples impressionnants d'une théologie « inculturative » de ce genre. Quant à savoir si ces différents essais de «traduction» parviennent à communiquer le mystère de l'Incarnation dans un modèle de compréhension et un type d'expérience marqués par une des religions asiatiques, ou s'il s'agit uniquement d'éléments d'interprétation isolés et, au meilleur sens du mot, de «pierres d'attente », c'est ce que devra décider le problème que nous posons.

Depuis Râm Mohan Roy (1772-1833), «père de l'Inde moderne », la question de l 'apparition historique de Jésus comme le Christ est la véritable barrière dans le processus de la communication missionnaire et de sa réception. Au fond, ce qui gagne ici encore en acuité, c'est encore ce qui, comme son «vilain fossé » (Lessing), constituait un problème central de la théologie protestante des deux derniers siècles et au-delà. [...]