Écologie et gratuité

La question de l'écologie n'a-t-elle pour solutions que l'utilitarisme anthropocentrique, ou bien l'attribution de droits à des créatures qui ne sont pas des sujets moraux ? Non : la création peut et doit être aimée pour elle-même, dans une attitude d'émerveillement qui fut celle du Créateur au septième jour. La protection de la nature ne saurait être dictée par une obligation juridique, mais par un acte de liberté, qui accepte que la création vive à un autre rythme que le nôtre : les vertus de l'écologie sont la douceur, la modération, la patience.

Depuis maintenant à peu près un quart de siècle, la question de la conservation de la nature fait partie des préoccupations essentielles de l'humanité. Les grandes catastrophes comme Tchernobyl, la pollution des eaux et de l'atmosphère, les protestations devant la disparition des espèces animales et végétales ont sensibilisé l'opinion publique mondiale à ce qu'on appelle désormais la «crise écologique » de la planète. Des historiens, des anthropologues, des géographes essayent d'expliquer les raisons de cette crise, et il ne manque pas de voix pour en attribuer la responsabilité principale à la tradition culturelle judéo-chrétienne. C'est l'anthropocentrisme de la Bible — dit-on qui a valorisé les progrès violents de l'histoire aux dépens des éclosions silencieuses de la nature¹. Ce sont les commandements divins de soumettre la terre tout entière qui ont conduit l'homme à devenir «le maître » et «le fléau » des autres créatures². Bien sûr, Aristote enseigne (p.89) avec emphase la supériorité de l'homme par rapport à l'animal³; mais, auparavant, la Bible avait pris encore plus résolument cette position. Dieu a fait l'homme « à peine moins qu'un dieu» et lui a soumis toute autre créature (Psaume VIII, 6-8). [...]

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1. L. White, « The Historical Roots of Our Ecological Crisis, Science, 1967, pp. 1203-1207.

2. Rousseau, Discours sur l'origine de l'inégalité, Œuvres, « Bibliothèque de la Pléiade» t. III, p. 166.

3. Voir pour cela J. Haussleiter, Der Vegetarianismus in der Antike, Breslau, 1935, p. 234 sq.