La Pâque de Jésus chez Anselme du Bec

Michel CORBIN
Le Mystère Pascal - n°207 Janvier - Avril 2010 - Page n° 27

Contrairement à une interprétation reçue du Cur Deus homo, ce n’est pas la justice qu’Anselme met au premier plan, mais la miséricorde : car il est juste que Dieu soit miséricordieux. C’est en Jésus que s’unissent l’une et l’autre, lui dont la venue éveille en l’homme la foi, l’espérance et la charité. Celles-ci sont la juste rétribution que le Père doit à son Fils pour la libre offrande qu’Il fait de sa vie et qu’Il ne peut lui rendre qu’en ses frères, puisque sa Plénitude, comme celle de son Père, est sans besoin. La vraie « raison » de notre salut réside, pour Anselme, dans cet échange débordant entre le Père et le Fils.

 

À en croire Louis Bouyer, qui tenait le Cur Deus homo, publié en 1098 par Anselme du Bec, alors archevêque de Cantorbéry, pour « le chef-d’oeuvre qui eut la plus pernicieuse influence sur toute la pensée religieuse occidentale », il
semble vain de s’interroger sur la place de la Pâque de Jésus dans ce traité. Tout y est concentré sur l’offense infi nie que l’homme pécheur a faite à l’infinie majesté de Dieu, sur la nécessité de réparer cette insulte à l’honneur de Dieu par une satisfaction qui l’égale et même la surpasse, sur l’impossibilité qu’un homme simplement homme y parvienne, et rende ainsi justice à Dieu :

Tout le problème de l’Incarnation va être ramené à celui de « l’honneur divin » à « satisfaire ». L’offense que le péché de l’homme lui a faite est sans mesure, à raison de la dignité de l’offensé. Aucune créature finie ne peut donc y satisfaire, c’est-à-dire présenter à Dieu une offrande qui égale, à plus forte raison qui surpasse, comme il se devait, le tort qui lui a été fait. Et, si même on supposait que l’offrande pût être offerte à notre place par un être divin, elle ne servirait encore de rien, puisqu’elle n’aurait pas de rapport avec l’offenseur. La seule solution est donc qu’un homme-Dieu apparaisse et qu’il offre sa vie par obéissance1.

De fait, si la justice de Dieu, qui « ne garde rien plus justement que l’hon neur de sa dignité2 », est mise au premier plan, si seule la [...]
 

 

 


1. Louis Bouyer, Le Fils éternel, Paris, Éd. du Cerf, 1974, p. 415.
2. Cur Deus homo (CDH), I, XIII ; Schmitt (S), II, 71


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