Loft Story : quelle réalité ?

L'émission de « reality show » présentée en mai-juin 2001 sur M6 est consternante : mais elle représente une « réalité », et doit permettre de poser des questions sur la place des jeunes dans la société.

L’émission de M6, présentant onze jeunes volontaires enfermés dans un appartement et devenant des acteurs improvisés, dépasse la simple « mode ». Son succès est étonnant : l’émission quotidienne attire en masse les 15-25 ans (75 % d’audience) et a réussi à fidéliser près de 55 % des ménagères de moins de cinquante ans (la cible privilégiée des annonceurs). Davantage encore : non seulement M6 prend de l’audience aux chaînes concurrentes, mais elle crée une nouvelle audience. L’audience totale et la durée d’écoute de la télévision ont augmenté depuis le lancement de l’émission. Un tel phénomène mérite attention. Il convient d’abord d’écarter les dénonciations des professionnels concurrents. Les autres chaînes ont été devancées et font de mauvaise fortune vertu. Mais leurs programmes de l’été préparent des émissions « réalité » du même goût. Ensuite, il faut éviter les imprécations moralisantes faciles. L’ampleur sociale de Loft Story, émission plébiscitée par le taux d’audience (les tarifs des écrans publicitaires en portent témoignage), ne peut pas être écartée trop vite. Dans un précédent article sur l’Église et les médias, nous avions comparé les médias en général (et la télévision en particulier) au miroir de la reine dans Blanche-Neige. Nous écrivions alors :

Les médias constituent aujourd’hui, dans nos sociétés comme un miroir de la reine : en y voulant trouver le meilleur, on n’y trouve jamais que notre propre image, jusqu’au jour où nous y découvrons quelque chose d’autre, une mode ou une hérésie, qui transforme la société ou, du moins, l’image que nous nous en faisions . Les médias nous satisfont jusqu’au jour où ils nous blessent, où ils nous agressent . Et nous voulons alors nous en débarrasser ou, du moins, nous les accusons de mensonge . Ce jour-là . Sans nous être pour autant rendus compte qu’ils n’ont jamais cessé de mentir, puisqu’ils nous donnaient de nous-mêmes l’image que nous souhaitions en avoir. [...]

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