Cassandre

Devant les menaces que font peser sur l'homme les prétentions de l'anthropotechnologie - en l'absence de toute référence morale - devant cette véritable « béance de la pensée », le chrétien est-il condamné au rôle ingrat de Cassandre ?

«Qu'est-ce que l’homme pour que Tu te souviennes de Lui ?...

À peine le fis-Tu moindre qu’un dieu... » (Psaume 8), ou qu’un ange (Épître aux Hébreux 2,6).

En voilà une question ! L’homme, quel langage ! L’homme, il y a beau temps qu’il est mort, aboli, avorté, cloné, postmodernisé, pulvérisé... Et peu importent les déplorations de Cassandre, qui a de la peine à ne pas ajouter : « Je vous l’avais bien dit. » «Tu dis n’importe quoi ! » lui répond-on en général, en lui assénant de plus, si elle a le malheur d’être chrétienne ou pire encore, catholique, que ça n’a rien d’étonnant : cause toujours, passéiste, ringarde, obscurantiste !, Tu ne vois pas que c’est bon débarras, et que délesté des devoirs inhérents à une essence immuable, chacun peut enfin s’éclater à son gré dans son coin – s’il dispose des revenus nécessaires, ce qui exclut quand même une bonne partie de la planète pour l’instant, mais ça ne fait rien. La mondialisation en marche remédiera à cet état de choses et ouvrira de toute façon à tous un avenir radieux et des lendemains qui chantent...

Il est pourtant de la nature ou du destin de Cassandre de s’obstiner, et l’état des lieux de la réflexion bioéthique ne peut, hélas, que l’y encourager. Ce n’est certes pas le seul domaine qui puisse lui donner l’envie de vaticiner ni la seule source des problèmes de l’humanité contemporaine, mais il est suffisamment vaste pour qu’on y arrête son attention un moment. [...]