Penser la création

Les conditions épistémologiques qui permettent de penser l'organisation du cosmos supposent les notions d'événement et d'irréversibilité. Leur rapprochement avec le modèle éthique de l'action humaine devient donc spéculativement possible.

La première page, 53, est jointe.

Pour une reprise spéculative de « l'image du monde »

La foi chrétienne affirme que Dieu est « créateur du ciel et de la terre, de l'univers visible et invisible ». Cette affirmation qui n'est d'ailleurs pas un pur constat, mais opère l'assomption, par le croyant, de toute l'économie du salut à laquelle elle renvoie est évidemment régulatrice pour la pensée chrétienne. Ouvrant pour celle ci une visée inépuisable de sens, elle l'invite à se mettre en mouvement dans la direction qu'elle indique. Posant un contenu qui s'offre à la compréhension, elle appelle l'intelligence à mobiliser toutes ses ressources en vue d'en ressaisir les intentions. De fait, la tradition chrétienne a depuis longtemps tenté de répondre à cet appel, en s'efforçant de penser spéculativement la création. Deux questions se posent : d'une part, comment peut on éclairer conceptuellement l'idée de création, et d'autre part, dans quelle mesure est il possible de rejoindre, au moins jusqu'à un certain point, la visée de la foi, à partir d'une démarche simplement rationnelle ?

Mais il y a une historicité du concept, dont l'effort spéculatif doit nécessairement tenir compte. A l'heure actuelle, l'émergence et la consolidation du discours scientifique imposent au discours spéculatif une réinterprétation de son propre mode de fonctionnement, et d'autre part le mettent en présence d'une nouvelle vision de la nature. D'un côté, le discours spéculatif est amené à se comprendre comme discours de l'effectuation, c'est à dire comme lié à une forme spécifique d'action et d'engagement. Et d'un autre côté, la science nous fait découvrir l'aspect évolutif de la réalité naturelle et nous décrit celle ci essentiellement en termes de processus. Le monde nous apparaît comme une totalité organisée qui est continuellement en train de se produire, comme un vaste processus d'émergence continuée. Il s'agit de savoir comment les données fournies par « l'image scientifique du monde » peuvent être reprises dans un discours spéculatif. Comme telles, elles ne précontiennent en aucune manière le concept de création. Pour qu'elles puissent apporter une contribution à une pensée de la création, il faut qu'elles (p.53)

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 Jean Ladrière