Le Royaume dès ici-bas ?

La question posée par le titre est délibérément déplacée par l'article qui s'inspire de la réponse de Jésus à ses disciples sur ce qu'est le Royaume de Dieu. Dire que c'est un mystère laisse le champ libre à des interprétations mystiques, dont celle ici proposée : « C'est le nom que prend la Trinité quand les créatures sont admises à en partager les relations. »

LE manuel de spiritualité de dom Stolz, qui a longtemps fait autorité, explique que, si «l’ultime perfection du racheté», c’est «le Royaume du Père», «le plus haut degré de l’état mystique, qui anticipe, d’une certaine manière, la perfection finale, est donc appelé avec raison par les mystiques «Royaume du Père» ou «Royaume des cieux»¹. Pour le dire plus simplement: la mystique, c’est le Royaume des cieux dès ici-bas, c’est l’eschatologie réalisée. J’aimerais discuter la légitimité de cette définition. J’indique tout de suite les limites de mon propos: je laisse à plus compétent que moi de résoudre la question de savoir si, et en quel sens, le Jésus historique a prêché un avènement imminent de la fin des temps, ou sa réalisation actuelle. Je laisse aussi la dogmatique déterminer comment il faut croire que «les temps sont accomplis, le Royaume de Dieu est proche» pour être sauvé. Et je laisse l’apologétique défendre la transcendance de ce Royaume contre toute tentation de séculariser la fin des temps en utopie du progrès (marxisme) ou deremplacer l’accomplissement de la fin comme événement ultime de l’histoire par une réalisation de (du) soi comme éveil à la réalité absolue (bouddhisme).

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1. Anselme STOLZ, Théologie de la mystique, Chevetogne 1939, p. 237.