Pas de dieux étrangers. Méditation sur les tentations du Christ

Les trois tentations du Christ nous font comprendre nos propres tentations : être cause principale ou première de notre prospérité, être le maître de notre destinée, et surtout être notre propre dieu.

Pour nous, chrétiens, le premier commandement, (et le plus grand !) est curieusement vide de sens. Qu'il n'y ait qu'un seul Dieu est évident pour nous, et « aimer Dieu de tout son coeur » (Deutéronome 6, 5 ; Marc 12, 30) nous paraît une belle parole, réalisable peut-être dans le coeur des saints ou des mystiques. La suite du commandement, son côté négatif : aucun autre dieu, pas d'image de Dieu, l'avertissement de la jalousie de Dieu, c'était bon pour Israël. L'Ancien Testament est plein de récits d'Israël sacrifiant aux dieux des peuples qu'il avait vaincus. Mais, pour nous, est-ce encore une véritable tentation ? Même les plus païens de nos contemporains ne sacrifient  plus à un dieu étranger.

Devons-nous étendre le sens du mot, et inclure dans l'interdiction du culte des idoles, outre ce qui est concret et précis, toutes les inclinations de notre coeur ? Dans ce cas, le sens négatif du premier commandement nous paraîtrait aussi vague que le sens positif nous semble banal: un commandement passe-partout qui signifie à peu près tout, c'est-à-dire à peu près rien.

Il semble y avoir une interprétation proprement chrétienne, néotestamentaire du premier commandement. Celle-ci nous est connue, et nous nous replions souvent sur elle : c'est l'identification du premier commandement de l'amour de Dieu, et du second, l'amour du prochain (Marc 12, 31). Il faudrait donc aimer concrètement le prochain, pour qu'en gros le premier commandement de Dieu soit observé, à peu près au sens de la parabole du Jugement dernier (Matthieu 25, 40). Mais alors, le premier et le plus grand des commandements n'est-il pas escamoté ? [...]