En quoi peut-on parler de lieux saints?

Distinct du lieu sacré, le lieu saint pose question au géographe qui s'interroge sur la destination du pèlerinage, quand la dispersion des reliques multiplie, loin de leur origine, les lieux saints : ils n'en restent pas moins marqués par le rôle du corps, sinon le corps-relique, du moins celui du pèlerin, par sa participation physique au pèlerinage.

Lieux saints, lieux des pèlerinages : légitimité de leur approche par la géographie

L’existence même du pèlerinage suppose une hétérogénéité de l’espace, une différence essentielle de valeur entre le lieu où je suis habituellement et celui où je me rends en pèlerinage. Cela a été souligné par Alphonse Dupront, au seuil de sa grande synthèse sur les pèlerinages : « On ne pérégrine pas aux lieux mêmes où on vit, sauf par captation métaphorique : il n’y a pas de pèlerinage sur place. Ce qui, dans la marche à l’“ailleurs” pose le besoin d’un espace autre. » Quelle que soit la valeur ascétique intrinsèque de la marche pèlerine, reconnue, surtout au Moyen Âge, par une hiérarchie des indulgences et satisfactions, valorisant la distance et la pénibilité du parcours, le pèlerinage n’est pas une marche errante, indifférente à son but, mais au contraire tendue vers un lieu. Les pèlerinages supposent donc « la reconnaissance corporelle d’endroits marqués par une élection particulière ». Cette « non-homogénéité spatiale » est classique dans l’approche des religions par les sciences humaines.

Pour la géographie des religions, véritablement née au lendemain de la Seconde Guerre mondiale avec le livre fondateur de Pierre Deffontaines, le pèlerinage, archétype sacral de la mobilité, apparaît d’abord comme créateur d’une marque objective dans les paysages, faite d’itinéraires et de sanctuaires reconnus sur la carte. C’est plus récemment que la géographie, intégrant l’étude de la perception des lieux, a pris en compte une « ontologie spatiale », particulièrement adaptée à une approche du fait religieux, alors que la question des lieux de pèlerinages et même d’une hiérarchie de ces lieux est au centre de la géographie rénovée des pèlerinages.