Henri-Irénée Marrou. In memoriam

Le 11 avril dernier, lundi de Pâques, Henri-Irénée Marrou fut rappelé au Père. Innombrables sont ceux qui, à un moment ou l'autre de leur vie, d'une manière ou d'une autre, lui furent redevables d'une avancée dans le mystère de la foi. Les responsables de Communio sont de ce nombre et le reconnaissent ici, en se joignant â l'hommage de celui qui est sans doute un des mieux placés et qualifiés pour le rendre.

« Nous historiens, nous professons que l'histoire est toujours imprévisible ; la vie apporte toujours avec elle quelque chose de nouveau, d'irremplaçable » : J'entends encore cette réflexion (ou quelqu'autre semblable), que Henri Marrou aimait lancer, avec l'ellipse de l'humour, pour définir son métier. Le lundi de Pâques, sa voix s'est tue, in pace Domini, et je sens combien cet imprévisible et cet irremplaçable échappent à la médiocrité du témoignage. Une chose est sûre : Henri Marrou, vers lequel s'étaient avancées les gloires universitaires — l'Institut, les Académies étrangères —, n'aimait guère les rhétoriques traditionnelles de l'éloge ; il les esquivait d'un trait malicieux, ou surtout, il leur opposait la discrétion d'une humilité spirituelle. Aussi, il convient de se référer, le plus possible, à Henri Marrou pour évoquer l'œuvre de l'écrivain ou le combat de l'intellectuel dans la cité terrestre. Car le savant se découvre lui-même quand il fixe le programme de son métier et quand il trace idéalement le portrait de l'historien : « La valeur de la connaissance historique est directement fonction de la richesse intérieure, de l'ouverture d'esprit, de la qualité d'âme de l'historien qui l'a élaborée ». Oui, le rayonnement d'une œuvre se mesure à tout ce que l'homme, avec la générosité d'une science sans aigreur y a apporté : les multiples talents du musicologue ou du théologien, cette familiarité avec les littératures anciennes et modernes, la méditation des philosophes de l'histoire comme celle des poètes, de Croce à Papini, de Dilthey à W. Blake. L'auteur d'un traité De la connaissance historique (Paris, 1954 ; 1973) invite l'historien « à cerner l'expression exacte de sa vérité subtile avec l'élégance de l'écrivain », et le praticien Henri Marrou conduisait sa plume à suivre andante les développements patients et paisibles d'une démonstration [...]

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