Une philosophie selon l’ Évangile

Avec Paroles du Christ, ouvrage posthume de Michel Henry, s'est achevée une longue quête. Quelle est la nature de la méditation évangélique ici présente ?

L’ouvrage posthume de Michel Henry, Paroles du Christ, a la portée d’un testament. Une longue quête spéculative et spirituelle s’est achevée avec la lecture de l’Évangile, comme la journée du potier de Pierre de Nolhac :

Il est sur l’Acropole un vieux potier d’argile
Qui finit sa journée en lisant l’Évangile...

La lecture très dépouillée que fait Michel Henry est aussi émouvante que limpide, libérée de l’érudition comme de l’abstraction. Faut-il que ce soit la philosophie qui nous restitue le goût et la saveur des Évangiles ? La théologie dresse un écran dogmatique entre le texte et nous, et c’est pour illustrer ses propres thèses qu’elle renvoie aux textes. L’exégèse historico-critique échelonne plusieurs filtres qui rendent problématique l’accès à l’authentique : transmission orale, prédication (kérygme), formation de communautés, traditions (didachè), documents et manuscrits... Le chemin est long jusqu’à la réception, et c’est pourquoi Kierkegaard, dans ses brillantes Miettes philosophiques, fait fi des témoignages et choisit la voie courte de la foi ; la distinction aujourd’hui en vogue d’un Jésus prépascal et d’un Jésus postpascal ne fait qu’ajouter à la confusion. Si bien que recueillir les ipsissima verba, comme l’a fait Joachim Jeremias, discerner les logia incontestables, s’avère être une tâche impossible et un sujet de contradiction. Un exégète mondialement connu m’a dit : il y a des paroles authentiques, mais nous ne savons pas lesquelles. De là l’entretien infini, à la Maurice Blanchot, qui selon Paul Ricoeur est la croix de l’exégèse. [...]

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