L'esprit du corps

M. Claude BRUAIRE
Le corps - n°32 Novembre - Décembre 1980 - Page n° 2

Éditorial

Depuis le Christ, nous n'avons ni à mépriser le corps ni à l'adorer, mais à le sanctifier pour qu'avec l'esprit, il reçoive la grâce de vivre en Dieu.

 L'article complet est joint.

AU fond de chaque conscience chrétienne sommeille le cathare, la tentation du mépris pour le corps. Nous répétons : « Ni la chair, ni le sang n'hériteront du Royaume ». La vie chrétienne n'est-elle pas purification continuée, épreuve crucifiante, pénitence ? Mais dès lors, comment ne pas nous reconnaître dans ces contempteurs de la vie que Nietzsche a si clairement identifiés dans cette forme d'ascétisme qui dissimule l'impuissance, la lassitude d'exister ou, pire encore, un masochisme pathologique ?

 

Que des chrétiens aient pu offrir cette figure en prétendant imiter le Christ, voilà qui révèle la fragilité de la foi au Dieu incarné, et la pesanteur du vieux dualisme entre l'esprit et la matière, insinué dans toute notre culture. Révocation du Dieu créateur, identification de la faute d'origine avec l'adhésion à l'impur, au charnel qui alourdit et enlise dans les ténèbres du mal. La règle de vie chrétienne serait de méfiance et de défi à la vie. La norme de l'espérance serait d'échapper à la glu du corps naturel. L'amour divin commanderait de détester le plaisir, de se méfier de la santé, de rechercher l'échec du corps, de réduire la beauté physique au monstre tentateur et l'acte procréateur à la souillure irrémissible !

 

Dieu serait venu en chair et en os pour rien. Sa compassion pour les affamés serait toute symbolique, son plaisir aux noces de Cana, une métaphore. Surtout, les souffrances du Christ lui seraient demeurées étrangères et vaines, le salut ne serait pas résurrection, mais délaissement de l'enveloppe charnelle. Bref, le christianisme ne serait qu'un platonisme décadent. (p.2)

POURTANT, l'incarnation n'est pas l'exaltation du corps, ni le culte de la santé, ni le soin des apparences. Il n'y a pas d'exhortation évangélique à se complaire dans le naturalisme, à se satisfaire stupidement d'être « bien dans sa peau » ou à mimer les faux adeptes du yoga ! Le christianisme est et se veut être religion de l'esprit, « en vérité ». Esprit qui n'est ni l'ombre de la vie, ni la chair exaltée pour l'idolâtrie de l'animal. Mais puissance de transfiguration, de régénération de tout l'être, corps et âme, vie et parole, souffrance et amour. L'ordre de l'esprit, d'abord. Et le corps actif, usé, s'il le faut, jusqu'à la corde, mais non sans la promesse de sa gloire joyeuse.


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