Eloge de l'imaginaire

L'imagination doit elle aussi être évangélisée. Elle en est digne, car nous n'avons pas à la dévaluer par rapport à la raison. Elle en a besoin, car elle peut donner prétexte à de troubles gnoses. Avec le Christ, elle accueille le « mythe vrai» qui lui permet de se déployer librement dans sa propre dimension, sans pour autant se perdre dans la fiction.

C'est un cliché de déplorer ou d'exalter le règne ou l'invasion des images dans notre monde. Mais malgré tant de discours à ce sujet, on en a rarement remarqué (à ma connaissance) un des inconvénients essentiels, à savoir l'appauvrissement paradoxal de l'imagination qui en découle, une imagination laissée en friche malgré les apparences. Or c'est peut-être là qu'est le vrai danger, et en ce sens une réflexion sur l'imagination paraît plus urgente qu'une réflexion sur une éventuelle «civilisation de l'image ». En voici quelques éléments.

L'imagination ne devrait pas être, pour des chrétiens, cette fonction marginale de l 'esprit qu'elle est trop souvent pour eux. Il faudrait pour cela surmonter la solide méfiance qui existe chez nous à son égard, méfiance triple.

La première est la méfiance classique de la rationalité occidentale, qui s'est développée, on le sait, aux dépens du « mytheux » — ce terme excellent, qu'on doit à M. Détienne (Invention de la mythologie) traduit bien le refus  méprisant que les partisans du logos opposent au fatras mythique. De là la tradition bien connue de l'imagination comme « maîtresse d'erreur et de fausseté », « folle du logis » suspectement liée à l'affectivité, à l'émotion, à la crédulité, tradition reprise et amplifiée par les Lumières, puis par le positivisme, malgré l'imagination folle de son fondateur, qui finit par se dégrader dans le positivisme/ scientisme vulgaire qui tient lieu de philosophie à trop de nos contemporains, et dont il n'est pas sûr que nous soyons indemnes. De ce point de vue, sont récusées en bloc l'obscurité du rêve (en ce sens Freud est un ennemi de l'imagination), la nigauderie des contes de fées, bons pour l'enfance de l'humanité, et naturellement l'absurdité du mythe. [...]

Pour lire la suite de cet article, vous pouvez télécharger gratuitement ce numéro, acheter la version papier ou vous abonner pour recevoir tous les numéros!