Joseph BOULEY
Le sacrement des malades
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n°55
Septembre - Octobre
1984 - Page n° 101
Coupés de leur famille et de leur communauté chrétienne, les malades hospitalisés ont plus de mal à percevoir la richesse du sacrement. L'évangélisation est urgente si l'on songe que l'hôpital est le lieu de la mort pour un grand nombre des hommes de ce temps.
Tout le texte est joint.
LE SACREMENT des malades a beaucoup évolué et cette évolution tend, selon les apparences, à sa disparition. Il est rarement demandé par les malades ou leur famille; rarement aussi il est proposé aux malades par leur Eglise.
Voici quelques faits, qui ont valeur de constat : pendant les neuf années où j'ai été curé d'une paroisse du centre de Paris, dont la moyenne d'âge était très avancée, il m'est très rarement arrivé d'aller chez des malades leur donner le sacrement des malades à domicile. Cela tient à ce que l'onction des malades reste entachée de l'appellation antérieure qu'on lui donnait : « extrême-onction », ou « derniers sacrements », d'où la grande discrétion des familles à appeler un prêtre sinon lorsque le malade était « à toute extrémité ».
Dans quelques paroisses du doyenné, on avait tenté de revigorer ce sacrement en le célébrant dans un contexte paroissial. La communauté alors réunie regroupait en fait les gens de la « Vie Montante ». Beaucoup recevaient l'onction des malades. Ceux qui avaient été amenés là par des paroissiens dévoués trouvaient un certain réconfort dans ces retrouvailles un peu exceptionnelles. Les autres recevaient l'onction chaque année et c'était une source de paix pour eux.
Enfin, la visite pastorale aux malades se pratique de moins en moins, faute de prêtres disponibles pour ce ministère qui demande du temps, et, souvent, parce que les prêtres ne sont pas informés de l'état de santé de leurs paroissiens, en ville tout au moins. Ajoutons que les malades gravement atteints sont presque toujours soignés aujourd'hui en milieu hospitalier.
Devenu aumônier d'hôpital, voici quelques impressions que je peux souligner. Arrivant à l'hôpital, le malade se sent «entre bonnes mains ». Il met son espérance dans la compétence, la science et la conscience de son médecin, dans le dévouement et l'application du personnel soignant. Il y a là comme une certaine « mort de Dieu ».
Mais si le projet de l'hôpital est de guérir, ou tout au moins de soulager, il y a une maladie dont on ne se remet pas, c'est la dernière.
Toutes celles qui ont précédé ont pu apparaître comme des «accidents de santé » ; ce sont des situations transitoires et passagères dont on se rétablit. Une opération, un traitement de choc sont des passages que l'on traverse sans plus de risques qu'un passage clouté dans Paris en fin de soirée, quand les feux se mettent à clignoter. Ni pour l'un ni pour l'autre, on ne demande le sacrement des malades.
Il n'y a pas plus de chrétiens à l'hôpital qu'à la messe dominicale dans les paroisses. La proportion est la même sensiblement, donc faible. Il est vrai que pour beaucoup de baptisés, la foi est souvent restée en veilleuse ou en hibernation. La maladie sur fond d'usure, de faiblesse, de mal sournois est l'occasion de s'interroger et de faire retraite. Beaucoup de malades demandent du «réconfort moral ». Un long catéchuménat commence alors. Le premier sacrement demandé est l'Eucharistie. L'Eucharistie est le vrai sacrement des malades dans beaucoup de cas. Comme souvent, le viatique est l'occasion du Pardon et de l'« Absolution générale », ce premier pas est facile à franchir.
L'accompagnement spirituel du malade en milieu hospitalier doit être discret, fraternel, très humain et souvent consister en une écoute. Des lectures brèves d'Evangile, quand cela est possible, comme le récit de l'agonie, le Magnificat, le Nunc dimittis et tous autres récits pacifiants (paraboles de saint Luc) peuvent marquer des étapes de cette montée vers Pâques. Dieu cesse alors d'être une étoile lointaine au dessus de la tempête. Il devient proche en Jésus-Christ, le Crucifié. La vénération de la croix peut être une étape de cette prise de conscience.
Le sacrement des malades peut donc ainsi être célébré par étapes. Il perd son allure un peu percutante et traumatisante quand toute la prière du rituel est débitée d'un seul coup.
Il m'est arrivé de connaître une fois ou deux une sorte de rejet du sacrement des malades, même par des chrétiens pratiquants : «Je m'arrangerai bien toute seule avec le Bon Dieu », m'a-t-on répondu. Mais ce malade reçut volontiers la communion.
Finalement, l'onction n'est pas faite pour tous les malades indistinctement. Ce qu'il importe de manifester, c'est la présence discrète et fraternelle de l'Eglise auprès de ses malades.
Dieu n'est pas dans le chahut de la maladie, il est dans la fraîcheur de l'heure du crépuscule... Telle est aussi mon espérance.
Joseph BOULEY
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