Enlèvement d’Élie et Ascension du Christ à l’époque patristique et au Moyen Âge

La littérature chrétienne ancienne rapproche l’enlèvement d’Élie et l’Ascension du Christ. Certains cherchent à montrer la supériorité de l’Ascension du Christ tant dans sa modalité que dans son terme ; une autre lecture typologique approfondit le mystère de l’Incarnation, la grâce baptismale ou les différents états de vie. Un ensemble de textes grecs et syriaques, d’origine juive, lie l’enlèvement d’Élie à la kénose du Verbe et à son exaltation pour l’envoi de l’Esprit.

Le rapprochement entre l’enlèvement du prophète Élie et l’ascension de Jésus est courant chez les Pères de l’Église. Il s’enracine dans l’Évangile de Luc qui présente Jésus comme le nouvel Élie¹. Luc est le seul évangéliste à parler de l’enlèvement de Jésus comme terme de son voyage (Luc 9,51) et à le décrire suivant le récit de celui d’Élie (4 [2] Rois 2, 6-15 et Luc 24,51). Marc parle brièvement de l’Ascension à la fin de son Évangile (Marc 16,19). L’ascension de Jésus tient d’ailleurs une place importante dans l’oeuvre lucanienne, puisqu’elle y est rapportée deux fois (Luc 24,51 et Actes 1,2.9-11). C’est le même mot (anelèmphthè) qui est employé dans la Septante en 4 Rois 2,11 et en Actes 1,2.

Nous essaierons de percevoir quel est le sens de ce rapprochement chez les Pères de l’Église, dans les commentaires des Livres des Rois du Moyen Âge et son retentissement dans l’art. La lecture typologique de l’enlèvement d’Élie est une donnée commune aux Pères orientaux et latins, qui se prolonge au Moyen Âge². Par exemple dans son Exposé sur la persécution, au cours d’une discussion avec un Sage juif sur la puissance de la foi, Aphraate le Sage persan présente une série de douze types de fi gures de Jésus dont celle d’Élie, de Jésus persécuté.  [...]

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1. Voir P. DABECK, « Siehe, es erschienen Moses und Elia », dans Biblica, t. 23, 1942, p. 175-189 ; J.-D. DUBOIS, « La figure d’Élie dans la perspective lucanienne », dans RHPhR, t. 53, 1973, p. 155-176.

2. Elle est recueillie dans la tradition carmélitaine par John BACONTHORPE († vers 1348), dans son Speculum sur l’Institution de l’Ordre : « Le Christ vivant monte au ciel, et Élie est enlevé au paradis » (A. STARING, Medieval  Carmelite Heritage, Rome 1989, p. 188).