L’amour ou l’amitié de l’homme avec Dieu – La doctrine de la charité selon Thomas d’Aquin

Eberhard SCHOCKENHOFF
L’amitié - n°229 Septembre - Octobre 2013 - Page n° 37

À partir de la conception de l’amitié (philia) aristotélicienne, Thomas d’Aquin précise la nature de l’amour qui unit l’homme et Dieu. Puisqu’il ne peut, selon Aristote, y avoir amitié qu’entre des semblables, Thomas est conduit à insister à la fois sur l’abaissement de Dieu vers l’homme et sur l’élévation, par Dieu, de l’homme jusqu’à Lui. L’action de l’homme dans le monde est alors soutenue et orientée par cet amour ou cette amitié entre Dieu et l’homme, ce qui permet d’écarter tout soupçon d’identification de la morale chrétienne à une morale de la rétribution. Ce sont alors non seulement les interprétations philosophiques de la morale chrétienne, par Kant ou Nietzsche notamment, qui sont à rejeter, mais aussi la compréhension interne, par beaucoup de croyants, de leur religion.

 

Le traité sur l’amour, par lequel Thomas achève, dans la Somme théologique, l’ensemble de son canon sur la vertu, s’ouvre par le thème fondamental, donnant ainsi à l’ensemble de la doctrine thomasienne de la charité son caractère propre et son audacieuse originalité. Thomas se demande si l’amour de l’homme pour Dieu, la troisième et la plus élevée des vertus théologales, est au sens strict une amicitia, amitié de l’homme créé avec le Dieu infini. Aucun théologien médiéval avant lui n’a osé aller aussi loin dans l’application de la conception de l’amitié issue de l’éthique aristotélicienne à l’analyse spéculative de l’amour de Dieu que ne l’a fait Thomas depuis que, jeune magister sententiarum, il a élaboré pour la première fois de façon autonome le  œur de sa doctrine de la vertu1. Pas plus le Lombard que l’un de ses commentateurs ne s’y est risqué, même pas Albert le Grand, le maître de Thomas, qui suit leur exemple et parle de caritas, sans la considérer comme amitié avec Dieu. Thomas lui-même trahit la crainte que la pensée éprouve devant ce lien si étroit et si intimement confiant de l’homme avec le Dieu infini qui excède radicalement toutes les limites naturelles.

 

 

 

 

 

 

Les très nombreuses occurrences de tournures telles [que] aliqua et quaedam, ajoutées aux termes centraux et porteurs de toute sa pensée, qui figurent encore dans sa version finale (S. th., II-II q. 23, a.1) et produisent un style volontairement heurté, montrent que Thomas demeure conscient des limites de toute compréhension théologique. [...]

 

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1. III Sent. d. 27 q. 2 a. 1.

 

 

 

 

 

 

 


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