Le don du sacrifice – Ou ce que la « kénose » peut dire aux philosophes

Andrea BELLANTONE
Il s’est anéanti - n°242 Novembre - Décembre 2015 - Page n° 97

Rien n’est plus urgent pour nous, en plein régime de nihilisme, que de retracer les lieux et les possibilités d’un accès à l’Absolu. Si cet accès ne peut pas se réaliser dans le monde des choses, ni dans les actes auto-référentiels de notre personnalité (auto-position ou auto-affirmation), il peut se donner dans les pratiques du sacrifice (kénotique) de soi. Ainsi, à travers une rapide exploration de quelques figures saisissantes (la reconnaissance, la charité, l’engendrement et la religion), nous pouvons indiquer la fécondité du concept de kénose pour la phénoménologie à venir.

 

Xavier Tilliette – dans Le Christ de la philosophie – nous rappelle « comment le Christ éclaire et littéralement révèle des notions cardinales de philosophie, dont il est le symbole et la clef : la subjectivité et l’intersubjectivité, le transcendantal, la temporalité, la corporéité, la conscience, la mort, etc., toutes données qu’il a faites siennes en s’incarnant1 ». Personne ne doute du fait que celle de « kénose » est à compter parmi les notions qui ne sont pas simplement « éclairées » par le Christ, mais qu’Il a « littéralement révélées » aux philosophes. 

L’histoire du caractère promouvant de cette notion en philosophie est encore à écrire ; toutefois, si nous ne nous trompons pas, c’est à partir de l’idéalisme allemand que l’usage métaphysique donne à la kénose une pleine légitimité philosophique comme concept. Si la philosophie hégélienne est « charpentée » par les « bras de la Croix » (c’est une belle expression évoquée souvent par le P. Tilliette), on ne peut pas oublier que les leçons schellingiennes sur la Philosophie de la révélation sont écrites sous le patronage de l’Épître aux Philippiens, « qui nous a donné la première lumière dans toute cette recherche2 » (même si l’influence de la figure kénotique est bien plus ancienne et primordiale dans la pensée de Schelling).

Or, malgré les magnifiques développements qu’on peut retracer dans la pensée postérieure – qu’on pense ici à Kierkegaard ou à Simone Weil – le potentiel spéculatif du concept de kénose est encore à développer. Nous ne ferons pas ici une reconstruction historique ; nous essayons plutôt d’esquisser une hypothèse de travail, notamment en ce qui concerne le caractère opératoire de ce concept pour une « phénoménologie de l’humain », en renvoyant à des recherches ultérieures – et plus approfondies– les développements nécessaires. [...]
 

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1 X. Tilliette, Le Christ de la philosophie, Paris, Cerf, 1990, p. 29.

2 F. W. J. Schelling, Philosophie der Offenbarung, Werke II.4, hrsg. von K. F. A. Schelling, Stuttgart und Augsburg, Cotta, 1858, p. 222. (tous les textes tirés de cet ouvrage sont traduits par nous).


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