Pardonner l’impardonnable ? Jankélévitch et Derrida sur une question qui doit rester ouverte

Pardonner l'impardonnable ouvre un débat de conscience, en particulier aux juifs victimes des nazis et à leurs proches attachés à sauver de l'oubli ce qui fut « un crime contre l'humanité », devoir de mémoire qui, pour Jankélévitch, justifie le refus de pardonner, tandis que, pour Derrida , le pardon, loin d'être accordé à des fins précises, ne devient possible que s'il fait l'impossible.

« La miséricorde, c’est l’autre face de la vraie justice. » Jean-Marie Lustiger

« La victime doit aimer son bourreau. Phrase monstrueuse, mais qui répand une lumière insondable. » George Steiner

IL y a des crimes qui laissent sans voix. Le raffinement de la haine, le cynisme froid et grossier, les abîmes de perversité, le cri des victimes qui s’est tu, le deuil désespéré des survivants... Qui pourrait prétendre avoir trouvé les mots justes pour parler de ces événements là ? On ne peut pourtant pas se taire au sujet de ce qui s’est passé. « Il est interdit de se taire et impossible de parler. » Cette déclaration d’Elie Wiesel montre la difficulté insurmontable à laquelle se trouvèrent confrontés les survivants d’Auschwitz et leurs descendants pour parler de l’indicible. Le motif principal pour briser le silence fut, pour presque tous les survivants, d’arracher les morts à cette seconde mort qu’est l’oubli, et de leur rester ainsi fidèles. La plupart d’entre eux n’ont trouvé que des années, voire des décennies plus tard, le langage capable d’exprimer l’inexprimable. Ces témoins sont d’autant plus importants qu’il s’agissait ainsi de mettre en lumière l’autre silence, celui des coupables, qui dissimulaient leurs crimes avec un aveuglement têtu, et de s’opposer au mutisme [...]

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