« Non ! Tu as ri ! » (Genèse 18, 15) − Note sur le rire dans la Bible

Le rire d’Abraham et de Sara relatif à la naissance d’Isaac dans la Genèse touche aussi Ismaël ; il est à prendre au sérieux comme réaction à un événement qui a Dieu comme source, à l’impossible devenu possible. Ce rire repris à l’envi au cours de l’évangile de Luc exprime, dans une vivifiante confusion des places, la promesse de la béatitude.

Le grand rire inaugural de la Bible, c’est celui qui préside à la naissance d’Isaac et d’abord à l’annonce de sa naissance. Dans deux chapitres successifs, Abraham, puis Sara vont rire en apprenant qu’ils auront un fils dans leur grand âge. En Genèse 16, Abraham, sur la suggestion de Sara, engendre Ismaël avec Hagar, la servante égyptienne de sa femme. Sara avait en effet annoncé que, n’ayant pu avoir d’enfant à l’âge où cela était possible, elle désirait maintenant « être bâtie ¹ », autrement dit avoir une descendance, fût-elle adoptive. Au chapitre suivant, Dieu s’adresse à Abraham et lui annonce qu’il aura un fils avec Sara, ajoutant : « Je la bénirai et elle deviendra des nations ; des rois de peuples viendront d’elle » (Genèse17, 16). À ces mots, « Abraham tomba sur son visage et il rit (yitsehaq) ; il dit dans son cœur : “Est-ce que pour un homme de cent ans il sera enfanté ? Et est-ce que Sara, à quatre-vingt dix ans, enfantera ?” ». « Fils » et « fille » Comme toujours dans la Bible, le texte, par les mots et les expressions employés, par les étonnements syntaxiques qu’il suscite, fait signe à ses lecteurs et leur demande de suspendre l’enchaînement de phrases qu’ils croient bien connaître. Sans entrer dans trop de détails, remarquons quelques faits textuels. Abraham s’interroge : « il sera enfanté ? » ; dans nos traductions, on « précise » : « un fils sera-t-il enfanté ». Mais le terme « fils » ne figure pas dans l’hébreu. Par contre, quand Abraham évoque son âge et celui de Sara, tous deux avancés, il emploie une formule assez habituelle qui dit précisément : « À un fils de cent ans, sera-t-il enfanté ? », et « Sara une femme de quatre-vingt-dix ans enfantera-t-elle ? ». En hébreu, quand on décline son âge, on dit que l’on est « fils » ou « fille » de tel nombre d’années. Ainsi donc, le fils annoncé par Dieu n’est pas nommé comme tel : il est seulement suggéré par la formule : « sera-t-il enfanté ? » ; par contre Abraham et Sara sont fils et fille de leur âge ! Que suggèrerait alors cette façon de dire ? Peut-être que Sara et Abraham ont à vivre une expérience filiale avec Dieu. Sur la parole de Dieu, Abraham a ...

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 1 « Être bâtie ». Voir aussi Genèse 2