Le rire sur la palette − Leçons de la peinture religieuse entre Renaissance et Contre-Réforme

Le motif du rire, qui apparaît dans les représentations du Christ à la Renaissance, ne disparaît pas de la peinture religieuse à l'époque de la Contre-Réforme, contrairement à ce que l’on croit parfois : sa présence indirecte ou discrète suggère même l’allégresse spirituelle ou la réalité de l’Incarnation.

Le rire sur la palette − Leçons de la peinture religieuse entre Renaissance et Contre-Réforme

Les historiens de l’art ont récemment mis en évidence la présence du rire ou de sa forme plus subtile, le sourire, dans la peinture religieuse au début de la Renaissance. L’aire italienne a fait l’objet d’études récentes sur le rire du Rédempteur, notamment sous la plume de Francesca Alberti ¹. L’art gothique du Nord avait été largement valorisé de ce point de vue si bien que Paul Binski s’était autorisé à écrire : « Italian medieval images, even in the “humane” post1300 era, for the most part resolutely refuse to smile ² ». F. Alberti avait montré plus de modération dans le propos : tout en identifiant une fresque de Gentile da Fabriano (1425) comme point de départ d’une « longue série de représentations » du rire du Christ, elle notait à juste titre qu’il n’était pas absent de la statuaire médiévale française ³. Que se passe-t-il si l’on se déplace un peu sur l’axe chronologique en embrassant un mouvement religieux et artistique dont on imagine facilement qu’il a chassé le rire de l’horizon des peintres : la Contre-Réforme ? C’est un peu le pari que nous tentons ici, à partir de quelques exemples, autant de coups de sonde destinés à ouvrir le débat sur la possibilité d’une expression iconographique du rire dans la sphère religieuse. On partira d’une brève enquête sur les lieux bibliques suscitant l’émergence du rire dans les corpus iconographiques de la Renaissance à la Contre-Réforme. Ce premier répertoire de scènes « à sourire », pour limité qu’il soit, permettra d’orienter le propos vers...

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  1 Nous renvoyons à son travail pour les questions de périodisation et d’influences des différentes zones d’éclosion artistique : Francesca ALBERTI, « Ridente Redentore : le rire de l’Enfant-Jésus dans l’art italien de la Renaissance », Rire en images à la Renaissance, F. Alberti et D. H. Bodart dir., Brepols, 2018, p. 327-363. Voir également Fr. ALBERTI, La peinture facétieuse. Du rire sacré de Corrège aux fables burlesques de Tintoret.

 2 [Les images médiévales italiennes, même à l’époque « humaine » après 1300, refusent pour la plupart résolument de sourire] P. BINSKI, « The Angel Choir at Lincoln and the poetics of the Gothic Smile », Art History, vol. 20 (1997), p. 352.

 3 F. ALBERTI, art. cit., p. 342