Le pardon au-delà de la mort ? Une lettre inédite de Benoît XVI en complément de son eschatologie

Au delà de la mort, le pardon et le repentir sont-ils encore possibles ? À partir d’une nouvelle de l’écrivain allemand Hartmut Lange, Benoît XVI complète sur ce point, dans cette lettre inédite, sa réflexion sur les fins dernières.

Le pardon au-delà de la mort ? Une lettre inédite de Benoît XVI en complément de son eschatologie

Dans sa nouvelle Le récital, l’écrivain berlinois Hartmut Lange ¹ se demande si la vie peut être rattrapée dans la mort. Il passe en revue les différentes attitudes des victimes vis-à-vis de leurs agresseurs : le refus de pardonner, la disposition à pardonner ainsi que le difficile processus de rapprochement. La nouvelle montre que les réflexions théologiques sur une réconciliation post-mortem des coupables et des victimes ne sont pas de simples jeux de l’esprit. Elles trouvent un écho en dehors de l’Église et sont mises en jeu dans l’espace imaginaire de la littérature. Dans son ouvrage Eschatologie : Tod und ewiges Leben (1977) ² Joseph Ratzinger n’a pas pris position sur la dimension intersubjective de la réconciliation. Cette absence est à l’origine d’un échange de lettres avec Jan-Heiner Tück, professeur à Vienne et rédacteur de la Communio germanophone. Benoît XVI reconnaît que la question de la dimension intersubjective de la réconciliation n’était guère envisagée dans les années 1970, le débat sur le dualisme corps-âme et la critique des utopies politiques étant prioritaires. Certes la mort est la fin définitive de la condition humaine de l’homo viator, le pèlerin − et il ne peut y avoir d’histoire eschatologique après l’histoire de la liberté vécue. Cependant, comme le montre la théologie du purgatoire, il existe des processus post-mortem de purification − et dans ce contexte, selon Benoît XVI, la question du pardon eschatologique peut être approfondie. Jan-Heiner Tück

Lettre de Jan-Heiner Tück à Benoît XVI, de Vienne, 1er décembre 2014

« [...] J’ai découvert chez l’écrivain Harmut Lange, qui était autrefois marxiste, mais qui est ensuite devenu un agnostique mélancolique à la suite de certaines expériences historiques, une nouvelle remarquable qui pose en littérature la question d’une réconciliation post-mortem entre les coupables et leurs victimes ³. Dans sa nouvelle Le récital, il ne se demande pas seulement...

Pour lire la suite de cet article, vous pouvez acheter en ligne le numéro ou vous abonner pour recevoir les prochains numéros.

 1 Hartmut LANGE, né en 1937, a grandi en RDA. Il est passé à l’Ouest en 1967, s’installant en Yougoslavie, puis en Italie. Dramaturge, directeur de théâtre, il a écrit de courtes nouvelles, dont Das Konzert (Le récital, suivi de La sonate Waldstein, trad. par B. Kreis, Fayard 1988).

  2 la mort et l’au-delà : court traité d’espérance chrétienne, trad. H. Rochais, avant-propos de J.-R. Armogathe, collection « Communio », Fayard, 1979 (réédition augmentée, 1994).

 3 Jan-Heiner TÜCK : “Die Kunst kann Bilder erschaffen, die der Religion unerreichbar bleiben”. Hartmut Lange über das Transzendenzbegehren des Menschen und den Trost der Literatur. In : Jan-Heiner Tück : “Feuerschlag des Himmels”. Gespräche im Zwischenraum von Literatur und Religion, Herder, Freiburg i. Br. 2018, p. 91–110.