La sobornost’ chez Khomiakov et Boulgakov − Une ecclésiologie de communion

La sobornost’ chez Khomiakov et Boulgakov Une ecclésiologie de communion

Le concept de sobornost’ : quelques remarques introductives

Dans cet article, nous examinerons la notion de sobornost’ telle qu’elle fonctionne dans les ecclésiologies d’Alexeï Khomiakov (1804-1860), au nom duquel le terme est d’habitude associé, et du père Serge Boulgakov (1871-1944), ce dernier approfondissant nombre d’intuitions du premier. Toutefois, il nous semble pertinent, en guise d’introduction, de dire quelques mots sur l’origine complexe de cette notion.

Le concept théologique de sobornost’ est généralement considéré comme une notion centrale, voire la colonne vertébrale de l’ecclésiologie orthodoxe. Il est communément admis que cette notion trouve son origine dans les œuvres ecclésiologiques de Khomiakov et qu’elle s’étend ensuite au-delà du domaine ecclésiologique, voire théologique, pour influencer la philosophie, la pensée sociale et la littérature russes. Dans ces deux contextes, théologique et social, sobornost’ est perçue comme une notion si spécifique à et si caractéristique de la Russie et de l’orthodoxie que le terme est généralement laissé sans traduction dans d’autres langues. Cependant si l’on se penche sur l’histoire du terme et du concept, on découvre rapidement une généalogie qui complexifie cette perception traditionnelle et parfois quelque peu exagérée ¹. En réalité, les racines, tant étymologiques que conceptuelles, de ce terme se trouvent en grande partie en dehors de la Russie et de la théologie orthodoxe. Il est important, à notre avis, de prendre en compte ces faits de la Begriffsgeschichte afin d’éviter l’absolutisation superflue des oppositions binaires entre la Russie et l’Occident ou entre l’orthodoxie et le catholicisme.

L’adjectif soborny (соборный) est bien connu pour son usage dans la traduction du Credo en slavon, où il correspond au terme catholique....

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 Comme c’est le cas chez Berdiaev qui insistait sur le fait que le mot sobornost’ était intraduisible puisque l’idée même était complètement étrangère à l’Occident. « Cet esprit de conci- liarité est inhérent à l’orthodoxie, ce communautarisme spirituel appartient à l’Idée russe. » N. BERDAIEV L’Idée russe. Problèmes essentiels de la pensée russe au XIXe et début du XXe siècle, trad. H. Arjakovsky, Paris, Mame, 1969 [éd. russe 1946], p. 171 et passim.