Une liturgie de Noël à Saint Eustache

Emile MARTIN
La fidélité - n°4 Mars - Avril 1976 - Page n° 88

Signet

La messe de minuit du 24 décembre 1975 fut, en l'église Saint-Eustache de Paris, le cadre de ce qu'on peut bien appeler un événement musical - ou plutôt liturgique. La nativité du Seigneur avait inspiré au R.P. Martin, de l'Oratoire, sur un texte du R.P. Denis Perrot, un Oratorio, Lumières et joies de la nativité (op. 121)

...La première page, 88, est jointe

dont l'exécution, suivie par les 5000 fidèles qui assistaient à la célébration eucharistique, a mobilisé les Chanteurs de Saint-Eustache, Jean Guillou à l'un des deux orgues, le quintette Ars Nova, les Petits Chanteurs du Marais, des solistes et un ensemble orchestral (soit 150 exécutants). L'importance ne résidait pourtant pas d'abord dans l'ampleur des moyens, mais dans l'intention qui les guidait. En effet l'oratorio comprenait en lui la célébration eucharistique, comme le récitatif des textes de la liturgie de la parole : au point que le célébrant principal tenait son rôle dans la distribution (le R.P. Bouleau, véritable ténor). Surtout, reprenant les intentions de Philippe Néri (1515-1595), fondateur italien de l'Oratoire mais aussi inventeur de l'oratorio, le P. Emile Martin a voulu mettre en oeuvre une tentative de musique religieuse : texte français et très moderne (une partie de la presse a même qualifié le livret de subversif) mais musique très élaborée et liturgique ; inclusion de l'œuvre dans la liturgie (à l'inverse du « concert spirituel »), mais somptuosité d'orchestration et d'effets sensibles ; rupture avec les pâles musiques répandues dans la majorité des paroisses, mais refus de la « musique sacrée » étiquetée comme telle. Le projet semble paradoxal et mérite qu'on l'étudie. Au moment où, après dix ans de recherches, de trouvailles et d'échecs, l'exigence liturgique de Vatican II devient enfin d'actualité, la tentative du R.P. Emile Martin, musicien incontestable, et chercheur aussi passionnant que discuté, nous semble fort importante.

 

J'AVAIS surtout écrit jusqu'ici des œuvres d'inspiration religieuse destinées au concert. Après trente ans de métier au service de la liturgie dominicale, je pensais pouvoir passer aux actes. Depuis dix ans, je multipliais les travaux d'approche (motets, fragments de messe, psaumes responsoriaux en français, anamnèses, doxologies...) [[E. Martin, Une muse en péril, Paris, Fayard 1968.]]. (p.88) Un universitaire allemand, professeur à Nanterre et à la rue d'Ulm, m'avait mis en garde contre le danger des innovations trop brutales : certaine messe de Pentecôte, commandée à un prêtre-compositeur d'Outre-Rhin, avait abouti à un fiasco. Je ne fus pas insensible non plus aux remarques d'un spécialiste de la liturgie orthodoxe. Dans la revue Axes, Maxime Kovalevsky plaidait pour un conservatisme rigoureux. La lutte pour la pureté liturgique n'était pas seulement en honneur dans les pays de l'Est. Elle affectait ici et là des milieux, des institutions, des « groupes » entrés depuis peu dans la communion de l'Eglise orthodoxe. Un enseignement à méditer, un exemple à suivre.

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