Grâce aux media électroniques, l'image est apparemment libérée de toute contrainte. Mais l'image, aujourd'hui, annexe toute réalité, qu'elle menace de tyranniser. Faut-il passer à l'iconoclasme pour faire droit à la sainteté de l'invisible? Il faut au contraire imaginer une image qui se réfère à un original - à une icône.
Editorial: Vincent Carraud: De la communication à la liturgie
La communication ne permet guère de communion : dans l'état actuel du paysage audio-visuel, elle condamne le sujet à la solitude, voire le détruit de 1'intérieur. Cet échec patent n'est pourtant pas fatal, car la vidéo-communication peut et même doit devenir interactive. Un tel retournement exige un long travail. Les chrétiens n'y seront ni de passifs utilisateurs ni de tardifs adaptateurs : car c'est à partir de la communion liturgique que devient possible la communication.
Problématique
Jean-Luc Archambault : Marie, un modèle pour les media
Marie, qui nous donne le Christ à voir, pourrait peut-être servir de modèle pour les moyens de communication de masse. Les qualités de la Vierge — virginité, maternité, humilité — sont précisément celles qui manquent de nos jours aux media pour remplir leur rôle, qui est de participer à faire naître les hommes à une vie toujours plus véritable.
Jean-Luc Marion : L'aveugle à Siloé (ou le report de l'image à son original)
Le triomphe contemporain de l'image réduit « être » à «voir» ou bien à « être vu ». L'image fait écran et prostitue. Faut-il donc céder à l'iconoclasme pour accéder aujourd'hui à l'invisible? Que non pas : il faut convertir l'image en icône, lui enseigner le véritable « art pauvre » — assez pour recevoir ce qu'elle ne saurait produire, et d'abord « l'icône du Dieu invisible ».
Michel Costantini : Dialogue sur la vidéo-conversion
Pour que la vidéo permette (au contraire de son usage le plus courant, qui l'interdit) la communication, il faut que le sujet plénier l'émette, et surtout qu'un «je» plénier la reçoive et la renvoie. Ce que la sémiotique récente a établi, il reste à l'accomplir. C'est ici que le «Je », les «je» sont à définir : par exemple le Christ et saint François d'Assise.
Michel Dubost : Media et lieu sacramentel
Parce qu'elle est le mystère du Dieu trinitaire, la communication est la vocation de l'homme. Qu'y changent aujourd'hui les media? Ils peuvent à coup sûr constituer une aide et une ressource. Mais ils ne sauraient se substituer à la célébration paroissiale des sacrements. Parce que le chrétien est appelé à vivre dans l'Église-communauté et que l'homme a un corps. Il faut alors se demander si les sacrements n'offrent pas, en fait, le modèle de la communication médiatique.
Intégration
Christoph Schönborn, o.p. : La tentation Iconoclaste (ou le refus de la communication de la foi par l'image)
Soloviev l'avait bien vu : le refus des images par les iconoclastes byzantins venait d'une mauvaise compréhension de l'union sans confusion des deux natures dans le Christ. Cette séparation entre le «divin» et le «représentable dans la matière» entraîne d'autres ruptures : entre le «spirituel» et la société profane, entre celle-ci et l'Église institutionnelle symbolisée par Rome. Il y a encore la tentation joachimite d'un christianisme sublimé qui prétend dépasser l'âge du Verbe incarné. Or c'est dans son humanité glorifiée que nous verrons le Fils : l'image matérielle est témoin de cette espérance.
Derrick de Kerckhove : Le Pape et la télévision
L'école de Marshall McLuhan permet de discerner que Jean-Paul II utilise admirablement la télévision au cours de ses voyages : il se déplace, mais elle le rend présent dans le monde entier. Le Pape traduit ainsi les valeurs et la signification du message chrétien, de la culture imprimée à celle des media électroniques et insuffle à la planète entière une spiritualité globale. L'Église en est changée, mais le monde aussi.
Guy Bedouelle, o.p.: Tarkovski, le passeur
Dans son oeuvre cinématographique au rigoureux langage poétique, Andrei Tarkovski, récemment disparu, apparaît comme un «passeur», pour aborder la rive d'un autre monde qui « n'est pas de ce monde ». Le mot de passe n'est autre que la reconnaissance du Verbe et de son mystère pascal.
Jean Chaunu : Le Suaire : l'icône et la technique
Le Saint-Suaire est image unique : reçue de la Passion et de la Résurrection, icône non faite de main d'homme. Mais il est aussi négatif photographique du négatif original. Il invi te à médi ter toutes les conséquences de l'Incarnation, jusque dans la soumission du Christ à la technique.
Attestations
Hervé Boulic : «Circulez, il n'y a rien à voir! »
Au moment où les images nous submergent (télévision, photos, publicité, bandes dessinées), les chrétiens semblent peiner à représenter ou suggérer les mystères de leur foi. Serions-nous devenus iconoclastes? Mais à l'ère de la communication de masse, les croyants ont-ils le droit de laisser asservir leur imaginaire qui survit presque malgré eux, et ainsi de se condamner euxmêmes à l'insignifiance? N'y aurait-il pas là une déficience théologique et spirituelle?
Jean-Michel di Falco : Chrétiens-médias, pour quoi faire? Interview du Délégué général (jusqu'en juin 1987) de Chrétiens-médias
L'Église prend conscience que, pour «exister» aujourd'hui dans les mégalopoles informatisées , elle doit se «médiatiser». De multiples sessions et expériences sont les témoins de ces commencements.
De la communication à la liturgie
Vincent Carraud
L'écrit a toujours besoin de l'aide de son père — nous le savons depuis Platon au moins, et le mythe de Theuth dans le Phèdre : l'écrit communique mal, il se tait, sa dignité le condamne au silence. Seul, l'écrit ne peut se défendre, ni s'assister : il lui faut un paraclet. Comme la peinture, il n'a que l'apparence du vivant ; l'écrit n'est pas vivant, pire, il est incapable du vivant. Dit en majuscules : l'Ecriture elle-même, en tant que telle, requiert le Paraclet. Elle n'est pas le Vivant, le Verbe incarné de Dieu, elle n'est pas la Parole, mais seulement le témoignage, en caractères d'écriture, que l'Esprit rend de la Parole. Le catholicisme n'est pas l'idolâtrie du Texte, mais la religion du Verbe, «non d'un Verbe écrit et muet, dit saint Bernard, mais d'un Verbe incarné et vivant ». Ce que ne peut l'écrit, être capable du vivant, la vidéo le peut-elle, ou en sera-telle seulement meilleur medium (1) ?
Pentecôte : l'image et le son
Le récit originel de la Pentecôte rapporte comment le Paraclet instaure l'Eglise lieu de la communication. Si nous ignorons ce qui fut dit, avant le discours de Pierre, par les apôtres (entendons le complément de moyen, car l'agent est l'Esprit : [...]
Pour lire la suite de cet éditorial, vous pouvez télécharger gratuitement ce numéro, acheter la version papier ou vous abonner pour recevoir tous les numéros!
1. C'est en raison de la nécessité constante qu'il y a à rappeler l'origine du mot, pluriel de medium, contre l'évidence avec laquelle les médias cessent d'être des media, c'est-à-dire des moyens, pour prétendre être à eux-mêmes leur propre fin (en ne parvenant à n'être que leur propre message), que j'utilise l'orthographe latine. Mais puisque le flottement de l'orthographe, entre le pluriel latin media et le néologisme français médias est l'indice d'un flottement notionnel plus grand encore, la rédaction de Communio n'a pas cru bon d'en harmoniser l'écriture.
Prix HT €* | TVA % | Prix TTC* | Stock |
---|---|---|---|
11.75€ | 2.10% | 12.00€ | 20 |
Titre | Prix HT € | TVA % | Prix TTC | Action |
---|---|---|---|---|
Foi et communication - pdf | Gratuit pour tout le monde | Télécharger |