Eucharistie et Ecclésiologie dans l’histoire de la pensée moderne

La crise actuelle du sens du mystère eucharistique a des racines philosophiques et ecclésiologiques : des philosophies modernes intellectualistes méconnaissent la possibilité d'un corps réel accessible aux sens, cependant que, parallèlement, voient le jour des ecclésiologies sans mystère de l'église.Une lecture de Hegel à rebours, ou mieux, une philosophie née de la méditation du mystère eucharistique, comme celle de Maurice Blondel, sont à même de renouveler le sens étroitement relié de ces deux mystères.

Dans sa dernière encyclique Ecclesia de eucharistia, le Pape Jean Paul II nous a rappelé le lien intime qui unit le mystère de l’Église à celui de l’Eucharistie, et Benoît XVI a réaffirmé ce lien dans sa Lettre postsynodale Sacramentum Caritatis (n° 14-16). Ces deux documents, par leur existence même, indiquent pourtant aussi la crise profonde qui, de nos jours, affecte également l’un et l’autre de ces deux mystères.

Le symptôme le plus inquiétant de cette double crise est le manque de vocations sacerdotales dans nos pays nord-atlantiques. Il est signe d’une évaporation progressive du sens de la constitution sacramentelle de l’Église. Bon nombre de nos fidèles tendent à n’y voir plus qu’une espèce d’association, semblable à une institution de type politique ou économique, qui offre ses services à qui veut bien en profiter, et qu’il faut administrer et gouverner selon les règles habituelles de management et d’efficacité pratique.

Par rapport au mystère eucharistique, la crise s’exprime paradoxalement d’abord dans la fréquence accrue des communions. Qui va à la messe, va aussi à la communion, souvent de manière automatique et irréfléchie, et il ne faut pas s’étonner si la plupart des catholiques ne comprennent plus le refus de l’hospitalité eucharistique aux chrétiens d’autres confessions, de même que le refus de la communion aux catholiques divorcés et remariés. Le sens de l’inséparabilité entre l’appartenance à l’Église et la communion eucharistique, de même que le respect religieux que l’on doit au mystère eucharistique semblent s’évanouir de plus en plus. [...]