La prison du regard

Que peut-on attendre de la rencontre entre des religions « hospitalières » (hindouisme, bouddhisme) et le christianisme, religion «exclusive»? Si hindous et bouddhistes acceptent volontiers les valeurs « mondaines » du christianisme (rites, organisation sociale, valeurs morales), ils méconnaissent le plus souvent sa dimension spirituelle.Quand ils la reconnaissent, elle leur apparaît comme une voie parmi d'autres : Jésus est une «étape» de la non-dualité avec l'Absolu, et ne saurait prétendre qu'on s'arrête à sa personne historique. La tolérance mutuelle risque de reposer sur un malentendu, car la foi au Christ ne peut se laisser relativiser. La compréhension mutuelle doit commencer par reconnaître les différences.

Passionné par la découverte de l'Inde et de l'hindouisme, un missionnaire français se voit renvoyé par un de ses amis hindous à sa propre foi chrétienne :« Ce que mon frère Acyut me demandait, c'était tout simplement que je sois moi-même. Puisque j'étais chrétien, je devais le devenir vraiment (..) Acyut, mon frère inflexible, me pousse ainsi à retourner à ce Jésus que je ne connaissais que par habitude. (..) Qu'Acyut attendît de moi que je devienne plus totalement chrétien... ne m'étonna plus dès que je le connus mieux ».

Râmakrishna, mystique bengali du XIXe siècle, après avoir parcouru les diverses voies spirituelles de la tradition hindoue, décida de suivre le chemin de l'islam puis, quelques années plus tard, celui du christianisme : « Rompant toute barrière de croyance ou de religion, il pénétra dans un nouvel état d'extase. Le Christ possédait son âme... Il avait «réalisé » son identité avec k Christ comme il s'était tour à tour identifié à Kâlî, Râma, Hanumân, Râdhâ, Krishna, Brahman et Mahomet. Entré en samâdhi, Râmakrishna communia avec le Brahman avec attributs. Il découvrit que k christianisme est également un chemin conduisant à la conscience de Dieu».

Les conseils d'Acyut et le cheminement de Râmakrishna ont de quoi intriguer et dérouter le chrétien, le prenant pour ainsi dire à contre-pied. Hospitalité «inclusive» du mystique hindou et prétentions «exclusives» du missionnaire chrétien : allonsnous donc opposer des religions inclusives (hindouisme, bouddhisme...) et des religions exclusives (christianisme, islam...) ? Encore faudrait-il préciser le sens de ces termes. [...]

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