La persécution dans l'Église primitive

Les persécutions des premiers siècles eurent-elles un «bilan globalement positif»? Les faits peuvent toujours se discuter. Mais cette longue et complexe épreuve permit à l'Église naissante de prendre conscience de son universalité, d'approfondir son identité unique et de comprendre que le disciple n'est pas plus grand que le maître, premier martyr.

Au cours de l'histoire, l'Église s'est toujours vue exposée à des persécutions d'intensité variable. L'histoire des persécutions  occupe par suite une place importante au sein de l'histoire de l'Eglise, et un article ne suffirait pas à la retracer, même par allusions. C'est aussi le cas là où il s'agit, comme ici, de l'époque des persécutions par excellence, c'est-à dire des trois premiers siècles, jusqu'au tournant constantinien (1). Au lieu d'un récit, on cherchera ici à se demander comment la chrétienté primitive est venue à bout de cette période d'oppression qui en menaçait l'existence et quels furent les effets des persécutions sur la jeune Église. Il faudra donc diriger notre attention aussi bien sur l'espace intérieur à l'Église, et donc sur les conséquences des persécutions quant à la vie quotidienne et à la spiritualité des chrétiens, que sur les effets produits par celles-ci sur le rapport de l'Église au monde extérieur, et donc avec la société et l'État. Il n'est pas question de taire ici le fait que l'histoire des persécutions ne représente pas uniquement une page de gloire dans l'histoire de l'Église, mais qu'elle englobe aussi une apostasie massive et des développements pervers. Certes, l'historien ne peut pas «vérifier» l'accomplissement eschatologique de la béatitude sur ceux qui sont persécutés à cause du Christ, s'il en reste au niveau de l'histoire. Pourtant, il a quelque chose à dire sur la question de savoir si, et dans quelle mesure, l'époque des persécutions a été pour l'Église, en dernière analyse, un bien ou un mal. On peut enfin montrer la probabilité de certaines conséquences de nos réflexions, même si les faits historiques ne se laissent pas actualiser sans précautions.