Dialogue avec l’Absent/Présent Qu’est‑ce que l’inspiration ?

M. Michel COSTANTINI
L'Inspiration des Écritures - n°245 Mai - Juin 2016 - Page n° 23

Avant de parler de l’Inspiration des Écritures, il convient de se questionner sur ce concept hérité des Grecs. Il se définit essentiellement comme ouverture à autrui ou à l’Autre par le truchement d’un texte. Lire un texte inspiré, c’est s’incorporer l’Autre, reconnaître sa trace dans l’écrit, se vouer à le chercher et à le (re) connaître par l’interprétation, pour finalement dire : « Tu es en moi, je suis en Toi ».

 

Parler d’un poète inspiré, d’un tribun inspiré, d’un geste, d’un texte inspirés, voire d’une colline inspirée, c’est décréter qu’il y a quelque autrui – fût‑ce une part de lui‑même, de ce tribun, de ce poète, de ce texte – qui le pousse, s’y introduit, insuffle en lui un mouvement, et que cette insufflation le façonne. Cette autre instance que j’isole, nommée ou non, c’est moi, auditeur, lecteur, spectateur – bref, énonciataire du signe supposé inspiré – qui la crois présente, la repère, et si je suppose à l’oeuvre cette force autrement que par ouï‑dire, tradition, conformisme, si je conforte en moi et garde vivante cette croyance, mieux, si je m’efforce de la faire partager et de la transmettre, c’est parce que je reconnais une telle force dans la forme perçue. Forme qui, surtout lorsqu’elle s’incarne en un écrit (trace de message, témoin d’une annonce), cherche généralement à se faire reconnaître, tend souvent à nommer les instances qui  l’habitent, n’hésitant pas parfois à dessiner de ce fait une représentation de son propre statut, dans une construction aux allures très diverses, de la mise en scène à la « mise en abyme ». Le discours qui donne forme au message, incluant cet éventuel métadiscours, il me faut le recevoir, en prendre la mesure : ce n’est pas tout de proclamer un écrit inspiré, encore faut‑il l’accueillir comme tel, pour pouvoir en jouir et aussi en communiquer la jouissance – la faire partager, la transmettre – aussi justement que possible, encore faut‑il savoir le regarder de façon approfondie, discerner en lui la richesse de ce qu’il donne, être à même de remonter vers cette lumière que j’ai entrevue en le recevant et que je désire voir et faire voir mieux encore. Double mouvement de descente et de remontée, catagogie et anagogie, qui nous emporte tous, chacun à sa mesure. À nous de jouer, face à la présence de l’Absent – l’instance inspiratrice. D’Homère à Péguy, autour de celui en qui s’insinue un souffle, petit parcours perlé sur le jeu des trois JE : l’inspirant, l’inspiré et qui entend, recherche, décèle l’inspiration.

D’où vient la parole ? D’autrui

Les deux textes fondateurs de la littérature occidentale, celui de la passion dévorante qui offusque le but et celui de l’errance aveugle [...]

 

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1 Inspiré (!) de mon article de quarante ans d’âge, « La Bible n’est pas un texte »,  Communio, I, 7, sept. 1976, pp. 40‑54.

 


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