R.P. Philippe LEFEBVRE, OP
La grande ville
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n°246
Juillet - Aout
2016 - Page n° 37
Le nom de Jérusalem es morphologiquement pluriel (duel) ; les textes bibliques jouent sur un dédoublement de la ville sainte : cette capitale paradoxale, d’abord ennemie du peuple hébreu, n’est pas le signe identitaire d’un monde clos. Pour l’auteur, cette complexité amène à une perception de ce qui est authentique au‑delà du lieu proprement dit.
Tout le monde sait, depuis plusieurs millénaires, où se trouve Jérusalem. Son nom cananéen vient de Urushalim : la « fondation du dieu Shalim ». Le texte biblique, reprenant ce nom, méditant sur l’emplacement de cette cité « que le Seigneur a choisie », nous en montre des dimensions inattendues. Si Dieu y réside, alors l’expérience urbaine qu’on peut y faire se transforme. De fait, si le nom s’écrit en hébreu biblique Yeroushalem, tout lecteur qui le prononce doit faire entendre la forme Yeroushalayim. Celle‑ci est affectée de la marque du duel – le –ayim final –, le duel marquant que deux éléments sont pris en compte. Dans Yeroushalayim, la forme orale, on entend donc « les deux Jérusalem ». Quelles sont‑elles ? Les interprétations souvent proposées parlent à juste titre de la ville haute et de la ville basse, ou de la ville ancienne et de la ville neuve. Le roi Josias envoie ainsi consulter la prophétesse Hulda lors d’un moment crucial de son règne ; elle habite « la ville neuve », un quartier récemment construit de la cité, que l’hébreu appelle littéralement « la ville seconde » (2 Rois 22, 14) ; il y aurait donc bien deux Jérusalem, autrement dit deux parties d’époques ou d’altitudes différentes.
Mais le texte biblique ne se réfère jamais explicitement à ce type de dualité. Par contre, il joue souvent sur des phénomènes de dédoublement intrinsèque, « ontologique », de la ville. C’est ce que je voudrais montrer ici.
La double Jérusalem chez les prophètes : apostate et restaurée
Dès le début du livre d’Isaïe par exemple, le prophète nous montre deux Jérusalem : « Comment ! Elle est devenue une prostituée, la cité fidèle ! Elle était remplie d’équité, la justice y séjournait, et maintenant ce sont des meurtriers ! » (Isaïe 1, 21). Les chapitres suivants ne cessent de faire apparaître alternativement ces deux Jérusalem : la cité stable « au sommet des montagnes » vers qui toutes les nations monteront (Isaïe 2, 1‑5) et la « Jérusalem qui trébuche », celle que le Seigneur abandonne sans recours à cause de ses iniquités (Isaïe 3). Le lecteur qui parcourt d’affilée les chapitres d’Isaïe peut être saisi de vertige : on ne lui présente pas une Jérusalem pervertie aujourd’hui, puis restaurée et glorieuse demain ; les deux cités au contraire défilent alternativement devant ses [...]
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