n°246 La grande ville Juillet - Aout 2016*


La métropole est si étendue qu’elle semble l’état natif du paysage : nulle contrée vierge à l’horizon. Dans la nuit, nul temps mort : la lumière des bureaux scintille encore. Les hommes ont bâti, et bâti encore, depuis des siècles, en tous sens, modelé ces structures gigantesques. Aujourd’hui, ils habitent, ils travaillent, ils circulent – ici, la ville est circulation : courbe sinueuse des voies rapides, trouée lumineuse des grands axes.

Que faire à l'échelle de ce continent urbanisé, où la ville verticale semble rendre les clochers insignifiants, où la Tour Eiffel elle- même n'est qu'un point de repère presque discret ? Cette vue donne le sens des dimensions urbaines, c’est-à-dire de ce que l’homme isolé perçoit comme une démesure. Mais c’est en ce monde-là qu’il faut annoncer l’évangile, parler aux hommes qui y vivent et y cherchent Dieu. 

Page Titre Auteur(s)
6 Un chrétien dans la ville ? Paul‑Victor DESARBRES
13 Un nouvel humanisme pour la ville Angelo SCOLA
27 Jeune épouse et prostituée – La ville dans l’Apocalypse de saint Jean Christoph SCHAEFER
37 Jérusalem et ses doubles Philippe LEFEBVRE
47 Grandeurs et misères de la grande ville Jean‑robert PITTE
53 « Grande ville », Église et société Serge PAUGAM ET BERTRAND OUSSET
67 « Comme elles sont belles les villes … » - L’urbanisme avec le pape François Gwenaëlle d' ABOVILLE
83 Des chrétiens dans la ville – Approches missionnaires des espaces urbains en France (1945‑2005) Jeanne‑marie MARTIN
98 Ville et solitude apostolique – Présentation de Madeleine Delbrêl Gilles FRANÇOIS
107 Depuis quand l’être humain est‑il une personne ? Bernard POTTIER

Éditorial: Paul‑Victor Desarbres : Un chrétien dans la ville ?

Thème : La grande ville

Cardinal Angelo Scola : Un nouvel humanisme pour la ville

À un moment de doutes et de crise économique, le cardinal archevêque de Milan montre comment un humanisme théocentrique dans la lignée du Bienheureux Paul VI permet de renouveler et de proposer, à l’encontre de la fragmentation, une « vie bonne » dans les différents domaines de la vie urbaine (vie en société, économie, culture et éducation, accueil des plus fragiles).

Christoph Schaefer : Jeune épouse et prostituée – La ville dans l’Apocalypse de saint Jean

La ville n'est pas thématisée dans les Évangiles, le Christ lui‑même l'évoque très peu. En revanche, elle prend toute son importance dans l'Apocalypse de saint Jean, où sont mises face à face « Babylone la prostituée » et la « Jérusalem céleste ». L'analyse du rapport entre les deux montre toutes les implications théologiques que contient la description de l'une, de l'autre et du rapport entre les deux. 

Philippe Lefebvre : Jérusalem et ses doubles

Le nom de Jérusalem est morphologiquement pluriel (duel) ; les textes bibliques jouent sur un dédoublement de la ville sainte : cette capitale paradoxale, d’abord ennemie du peuple hébreu, n’est pas le signe identitaire d’un monde clos. Pour l’auteur, cette complexité amène à une perception de ce qui est authentique au‑delà du lieu proprement dit. 

Jean‑Robert Pitte : Grandeurs et misères de la grande ville - Entretien mené par Maximilien Artur et Paul‑Victor Desarbres

L’auteur rappelle que la ville, agglomérat de population, est un espace hautement organisé et symbolique, et pas seulement un habitat. Le centre et la périphérie ne sont pas dilués dans la diversification de la grande ville : celle‑ci pose des difficultés de gestion, mais est un lieu d’innovation et d’offre de services particulièrement riche. 

Serge Paugam et Bertrand Ousset : « Grande ville », Église et société

La fluidité que les Trente Glorieuses avaient imprimée à notre imaginaire de la ville est passée ; la ville est sujette à une fragmentation complexe qui n’est pas réductible à une simple opposition entre zones urbaines riches ou pauvres. Les études du sociologue et l’expérience de l’aménageur urbain pointent la liberté que permet la vie urbaine, mais aussi le besoin de liens de proximité et de valeurs communes (qui contribuent au sentiment de sécurité). Outre la précarité matérielle, la pauvreté relationnelle, moins visible, est de celles qu’on peut faire reculer ; les communautés chrétiennes urbaines, socialement assez favorisées, sont mises au défi d’être des lieux d’accueil « sans confusion des genres ».

Gwenaëlle d’Aboville : « Comme elles sont belles les villes … » - L’urbanisme avec le pape François

Le métier d’urbaniste connaît une crise liée à la complexité de ses enjeux, à la fin de certaines utopies et à la difficulté de poser un regard unifié sur la ville. L’exigence morale posée par Laudato si et la figure eschatologique de Jérusalem habitée par un peuple constituent pour l’auteur un moteur plein de sens pour la pratique et les processus de l’urbanisme.

Jeanne‑Marie Martin : Des chrétiens dans la ville – Approches missionnaires des espaces urbains en France (1945‑2005)

Dans la France catholique marquée par l’industrialisation et les transformations violentes du xixe siècle, la ville (parfois honnie) et l’urbanisation ont fait l’objet d’une attention progressive : au xxe siècle, de nombreuses initiatives montrent que la ville est perçue comme un enjeu d’évangélisation. Une nouvelle spiritualité citadine accompagne la mutation des types de paroisses (ou sanctuaires), des expériences de proximité relationnelle et des manifestations visibles d’évangélisation. 

Gilles François : Ville et solitude apostolique – Présentation de Madeleine Delbrêl

Le P. Gilles François nous introduit à la spiritualité de Madeleine Delbrêl qui évoque la présence apostolique en ville dans un appel réaliste et concret : il y a une façon d’être « de la rue », de garder le silence et l’obéissance dans le bruit de la foule, de se plier à « ce qui n’est pas malice » dans la grande ville, de mettre en acte l’amour de Dieu.

Signets

Bernard Pottier : Depuis quand l’être humain est‑il une personne ? Parcours historique et systématique

L'humain, appelé à devenir personne, déploie et unifie progressivement les quatre niveaux anthropologiques qui le constituent : corps, psychisme, raison et esprit. Ces quatre niveaux se déclinent en psychologie génétique comme en thérapie, en épistémologie comme en musique, en analyse de l’amour, du bien et du mal, fournissant à la philosophie des médiations pour unifier le corps et l’esprit. Ainsi s’exprime de mieux en mieux l'incommunicabilité fontale de toute personne (Richard de Saint‑Victor, Thomas d’Aquin, Duns Scot), à laquelle Balthasar indique son but ultime : l'accomplissement de la mission christique propre à chacun.


Nous remercions Françoise Brague et Jean-Robert Armogathe pour leur concours gracieux comme traducteurs.

 

Un chrétien dans la ville?

Paul-Victor Desarbres

« Nous vivons dans le temps des grandes villes. Délibérément, le monde a été amputé de ce qui fait sa permanence : la nature, la mer, la colline, la méditation des soirs. Il n’y a de conscience que dans les rues, parce qu’il n’y a d’histoire que dans les rues, tel est le décret » Albert Camus, Essais, Paris, Gallimard, 1965 (« L’Été »), p. 854‑855.

« Veux‑tu connaître la solitude ? La Ville n’est qu’une solitude. Veux‑tu vivre la communion ? Dans la ville tout ensemble fait corps. Tu veux être saint : la ville est sainte. Sainte dès l’instant où elle est lavée par le sang du Christ sur la Croix. Sainte parce qu’un jour il fera d’elle son épouse belle. » Pierre‑Marie Delfieux, Jérusalem. Livre de vie, Paris, Le Cerf, 2014 (7ème édition), p. 126.

 

C'est dans la « grande ville » que la grande majorité des baptisés est appelée à vivre sa mission au XXIè siècle. Même s’il n’est pas citadin au sens spatial, l’homme contemporain sera au moins amené à composer avec ce milieu. Ce cahier de Communio voudrait donner la mesure de l’enjeu, et montrer que ce nouveau milieu urbain pose des défis radicaux, qui concernent tout à la fois le « style de vie » et l’évangélisation. En ce sens, et sans préjudice d’autres enjeux cruciaux, la grande ville est un lieu prophétique.

Une réalité ambivalente

La croissance des villes est l’un des phénomènes géographiques et démographiques les plus marquants de l’histoire du XXè siècle et du début du XXIè  siècle. Elle s’inscrit dans une tendance de fond à l’échelle planétaire et touche particulièrement l’Europe et les Amériques ; l’Afrique et l’Asie restent moins urbanisées, même si des agglomérations parmi les plus grandes au monde (ou mégacités) s’y trouvent1. Plus de la moitié de la population mondiale (52 %) est désormais citadine ; la population européenne l’est plus encore (70 %2). La ville concentre des fonctions au point qu’elle polarise une population plus grande encore que celle des citadins. Quand bien même l’on ne réside pas en ville d’un point de vue spatial, on peut être citadin d’un point de vue fonctionnel. Tel est le cadre de vie où nous sommes appelés à vivre et annoncer notre foi, puisque les habitants de la planète sont et seront désormais majoritairement des citadins. Cette modification a de profondes incidences anthropologiques. Or, même en France où l’urbanisation n’a pas donné lieu à la constitution d’entités gigantesques, l’espace urbain, avec sa complexité multipolaire, pourrait décourager les tentatives de compréhension. La grande ville est un espace difficile à saisir dans sa réalité concrète, et nos représentations ne sont pas unanimes3 : tel quartier d’habitations [...)

 

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1 Voir ONU, Word urbanization prospects, 2 014.

2 Voir ONU, Word urbanization prospects, 2014. En 2050, 66 % de la population pourrait habiter en ville. Rappelons que la définition de la ville, du point de vue de ce rapport, varie selon le pays ; en France, l’INSEE considère qu’une commune dont la population agglomérée compte plus de 2000 habitants et dont les habitations ne sont pas distantes de plus de 200 mètres les unes des autres (ce qui montre la continuité de l’habitat) est une ville; deux ou plusieurs communes sur le territoire desquelles la population atteint plus de 2000 habitants avec la même continuité forment une agglomération communale. On parle dans les deux cas d'unité urbaine »

3 Voir Jacques Le Goff, en collaboration avec Jean Lebrun, Pour l’amour de la ville, Paris, Textuel, 1997 .  

Bernard Pottier : Depuis quand l’être humain est‑il une personne ? Parcours historique et systématique

L'humain, appelé à devenir personne, déploie et unifie progressivement les quatre niveaux anthropologiques qui le constituent : corps, psychisme, raison et esprit. Ces quatre niveaux se déclinent en psychologie génétique comme en thérapie, en épistémologie comme en musique, en analyse de l’amour, du bien et du mal, fournissant à la philosophie des médiations pour unifier le corps et l’esprit. Ainsi s’exprime de mieux en mieux l'incommunicabilité fontale de toute personne (Richard de Saint‑Victor, Thomas d’Aquin, Duns Scot), à laquelle Balthasar indique son but ultime : l'accomplissement de la mission christique propre à chacun.


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