Grandeurs et misères de la grande ville

Jean‑robert PITTE
La grande ville - n°246 Juillet - Aout 2016 - Page n° 47

Entretien  mené par Maximilien Artur et Paul‑Victor Desarbres. L’auteur rappelle que la ville, agglomérat de population, est un espace hautement organisé et symbolique, et pas seulement un habitat. Le centre et la périphérie ne sont pas dilués dans la diversification de la grande ville  : celle‑ci pose des difficultés de gestion, mais est un lieu d’innovation et d’offre de services particulièrement riche.

 

Existe‑t‑il encore une définition géographique de la ville ? Peut‑on encore délimiter la ville d’un point de vue spatial ? N’a‑t‑elle pas dépassé les murs ? 

La ville est du simple point de vue matériel une importante agglomération de maisons d’habitation et de bâtiments d’usage collectif voués aux services, parfois aussi d’établissements industriels. En France, le plancher est de 2 000 habitants, mais dans bien des pays, on connaît des villages à vocation rurale plus peuplés et, dans certains pays à faible densité de population, les regroupements de services peuvent être de taille très réduite, comme dans les plaines américaines ou en Nouvelle Zélande ou en Islande. Sur le plan culturel, la ville est bien plus que cela. Elle est un haut‑lieu de l’organisation de l’espace, dotée pour ses habitants et pour ceux du plat pays, comme on disait jadis, d’une force symbolique et d’un prestige qui la rendent respectable et admirable. C’est une constante dans toutes les civilisations reposant sur des fondements sacrés faisant découler la politique, le droit et l’économie de leurs croyances religieuses : Mésopotamie, Égypte, Israël, Chine, Empires Aztèque et Inca, etc.

Dans la Grèce et la Rome antiques, la ville est le centre de la polis ou de la civitas, la résidence des dieux dont les temples sont élevés sur l’acropole ou sur le forum. Sous leur protection se traitent les affaires politiques, judiciaires, économiques, mais fleurissent aussi les arts et les lettres. N’y résident que les vivants ; les morts sont regroupés dans des cimetières situés hors du périmètre déterminé par le fondateur au cours du rituel d’inauguration. Celui‑ci est parfois matérialisé par un mur d’enceinte et des portes monumentales qui marquent le passage de l’espace sacré à l’espace profane. La ville médiévale occidentale blottie autour de sa cathédrale ou la ville musulmane autour de sa grande mosquée du vendredi perpétuent ce modèle qui fonctionne encore et continue d’inspirer les citadins de toute une partie du vieux monde.

À partir de la Renaissance en Europe, la ville perd progressivement son aura sacrée pour devenir d’abord un simple symbole de la puissance et de la gloire des princes. Puis, à partir de la révolution industrielle, elle se transforme de plus en plus en une machine à produire, à échanger des biens et des services, à habiter. Dès lors, elle suscite de moins en moins d’affection, car ses dysfonctionnements matériels et ses inconvénients apparaissent au [...]

 

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