« Tactique du diable »

Mme Irène FERNANDEZ
Notre Père V - en tentation - n°261 Janvier - Février 2019 - Page n° 95

Le célèbre C.S. Lewis ne tenait pas son petit ouvrage Tactique du diable pour le plus important de ses livres. Mais il a su y populariser avec finesse ce qu’est le combat contre les tentations (pas si) banales de la vie, de manière vraiment spirituelle et sur un arrière-fond résolument surnaturel.

 

Il existe un traité moderne de la tentation, qui eut tant de succès dès sa parution que son auteur fut souvent désigné par la suite comme « l’auteur des Screwtape Letters1 », à l’agacement de l’auteur en question, C. S. Lewis, qui ne tenait pas cet ouvrage pour le plus important de ses livres. Ce mot de « traité » est impropre pour le désigner car il n’en a aucunement la forme, puisqu’il s’agit d’un ouvrage de fiction, la correspondance supposée d’un démon expérimenté avec un démon novice dans l’art de la tentation. L’aîné explique à son pupille les meilleures méthodes à employer pour piéger le jeune homme dont il a la charge et semer d’embûches sa vie quotidienne de toutes les manières possibles. Il le félicite chaque fois que le pauvre garçon cède à la tentation, grande ou petite, l’admoneste dans le cas contraire, et est d’une fureur noire quand cette âme leur échappe définitivement. Ce procédé littéraire d’inversion des valeurs permet l’analyse très fine de nombre de tentations bien reconnaissables, afin de nous aider à y résister : l’ouvrage dont il est question est résolument pratique comme ses vénérables ancêtres patristiques, Évagre le Pontique ou Jean Cassien avec leurs listes de péchés capitaux. Il n’a évidemment rien de racoleur, ce n’est pas la tentation selon Flaubert. Encore faut-il saisir l’ironie d’une présentation où le mal est le bien et Dieu « l’Ennemi » : Lewis raconte dans sa préface de 1961 que lors de la publication des SL dans un petit journal anglican aujourd’hui disparu, un clergyman se désabonna parce que la plupart des avis donnés dans ces lettres lui semblaient « non seulement erronés mais positivement diaboliques ».

L’ensemble des lettres parut en 1942, et l’ouvrage fut très rapidement traduit en de nombreuses langues. Je citerai la traduction italienne (1947) − où Screwtape devient « Berlicche » − car elle toucha deux lec-teurs de marque, le cardinal Ratzinger, qui s’en servit pour présenter l’encyclique Fides et Ratio et la cite à plusieurs reprises2, et un saint, le prêtre italien Giovanni Calabria, qui écrivit à Lewis après l’avoir lue avec enthousiasme. S’ensuivit une correspondance en latin entre les deux hommes qu’on peut appeler fraternelle et qui est pleine d’intérêt et de sel3. [...]

 

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1 SL dans cet article.

2 Par exemple Foi, vérité, tolérance, 2002, p. 197-200

3 C. S. Lewis, Don Giovanni Calabria, Letters (texte latin et traduction anglaise), Londres, Collins 1989. Saint Giovanni Calabria (1873-1954), qui voua sa vie aux pauvres dans sa ville de Vérone, a été canonisé par Jean-Paul II en 1999. Fête le 4 décembre. Ces letttres sont en latin parce que Don Giovanni ne savait pas l’anglais et que Lewis, qui lisait l’italien, ne le parlait pas. L’usage de cette langue prétendument morte n’ôte rien à la vivacité de leurs échanges amicaux et de leurs discussions, sur le paganisme par exemple (praeparatio fidei pour Lewis) ou sur les pestiferi philosophi quos logicales positivistos vocamus (Lettre du 5 décembre 1954).


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