L’imagination catholique – l’exemple de Michel-Ange

Selon l’auteur, l’œuvre majeure de théologie catholique au XVI^e siècle reste le plafond de la chapelle Sixtine (1512), plus tard complété par le Jugement dernier, (1541) sur le mur au-dessus de l’autel. Ces réalisations monumentales ont une complexité, une variété, une puissance synthétique qui constituent une vision théologique expressément catholique : incarnée, sacramentelle, métaphorique, analogique.

L’histoire de la théologie catholique est riche et pluraliste. Certaines époques ont vu apparaître des génies qui demeurent des références : Augustin aux IVe-V^e siècles, Thomas d’Aquin au Moyen Âge, John Henry Newman au XIX^e siècle, Karl Rahner, Bernard Lonergan et Hans Urs von Balthasar au XX^e. Aujourd’hui, nous avons nombre de brillants théologiens féministes, de la libération, du politique, des Hispaniques, des Africains-Américains... Le paradoxe est qu’à certains moments, les penseurs catholiques les plus marquants n’ont pas été des théologiens de métier, mais de grands artistes. Aux XVI^e et XVII^e siècles, par exemple, les théologiens catholiques les plus originaux ont été Michel-Ange, Raphaël, Léonard de Vinci, le Titien, le Bernin...

Assurément, il y a eu au XVI^e siècle des théologiens de talent, perspicaces et savants : Cajetan, Suarez, Vitoria, Jean de Saint-Thomas, et bien d’autres encore. Mais il y a surtout eu de grands théologiens mystiques tels Jean de la Croix, Thérèse d’Avila et Ignace de Loyola, prophétiques comme Barthélemy de Las Casas luttant passionnément pour la libération des peuples indigènes op-primés aux Amériques, ou encore des rhétoriciens dont le plus célèbre est Érasme... Cependant, l’œuvre majeure de théologie catholique au XVI^e siècle reste le plafond de la chapelle Sixtine achevé par Michel-Ange en 1512, et plus tard complété par l’eschatologie dérangeante du Jugement dernier, terminé en 1541, sur le mur au-dessus de l’autel. Ces réalisations monumentales ont une complexité, une variété, une puissance synthétique qui constituent une vision théologique expressément catholique : incarnée, sacramentelle, métaphorique, analogique.

Aux niveaux artistique, religieux et théologique, la chapelle Sixtine dans son unité coordonne les trois principaux courants historiques qui ont façonné la pensée catholique de la Renaissance : le judaïsme et les cultures grecque et latine, au sein de la tradition continue de l’Église¹. Michel-Ange a été convaincu par Augustin et Dante de l’importance primordiale du salut par le Christ. Sa conception de la Création et de l’Incarnation est héritée du néoplatonisme mystique qui a bercé sa jeunesse lorsqu’il écoutait les philosophes Marsile Ficin, Ange Politien et Jean Pic de la Mirandole discuter dans le palais ou les jardins de ses mécènes florentins, les Médicis. À cette même époque, au couvent dominicain de Saint-Marc et à la cathédrale, il était fasciné, comme tant d’autres à Florence, par les sermons enflammés et même apocalyptiques de Savonarole. Les débats académiques entre les penseurs qui ont probablement le plus influencé Michel-Ange ne sont pas clos, mais l’auteur qui semble l’avoir le plus marqué est peut-être Gilles de Viterbe, qui s’est intéressé à la méthode allégorique, au néoplatonisme et même à la Cabale². [...]

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1 Sur le travail théologique à la Renaissance et sur le programme religieux de Michel-Ange, voir Edgar Wind, The Religious Symbolism of Michelangelo : The Sistine Ceiling, Oxford, Oxford University Press, 2000.

2 Voir John W. O’Malley, s.j., « The Theology behind Michelangelo’s Ceiling », dans Carlo Pietrangeli et al., The Sistine Chapel : The Art, the History, and the Restoration, New York, Harmony Books, 1986, p. 92-148.