La connaissance de l’Amour

Il convient de ne pas s'accommoder trop vite de l'énoncé « Dieu est amour » sans interroger les expériences de l'amour que nous sommes tentés de plaquer sur Dieu, comme les définitions dans lesquelles nous voulons l'enfermer au risque des pires idolâtries : celle du sentiment et celle du concept.

« Dieu est amour. » L’énoncé est à la fois bouleversant et redoutable. Bouleversant parce qu’il signifie en toute rigueur, qu’à partir de l’expérience humaine de l’amour s’ouvre un accès à Dieu : ce n’est pas par le respect de la loi morale ni par l’usage rigoureux de la connaissance de l’être que je peux faire l’expérience de Dieu, mais par la pratique de l’amour. Si j’aime, authentiquement et en mettant en jeu la totalité de ma personne, sans retenue, il m’est donné d’aimer comme Dieu lui-même aime (à « une infinie différence près » cependant, comme l’écrit Jean-Luc Marion : « quand Dieu aime il aime infiniment mieux que nous¹ ». Mieux : ce n’est que parce que Dieu est amour, que je suis moi-même capable d’aimer. L’expérience de l’amour est expérience d’une conscience décentrée qui se reçoit de l’autre, en toute pauvreté, d’une conscience qui est radicalement en quête de l’autre, de sa réponse aimante. Mais d’une certaine façon, l’amour est déjà là : il ne s’agit pas d’une production ou même d’une  simple activité de l’esprit. L’amour est reçu sans qu’on puisse s’en rendre maître (et c’est ce qui en fait parfois le caractère tragique). Or, ultimement, l’origine de ce don d’aimer que je reçois est à trouver en Dieu même: c’est parce que Dieu a aimé le premier que l’homme est à son tour capable d’amour.

Mais cet énoncé est aussi redoutable, car il risque de donner lieu aux pires contre-sens et à la plus insidieuse idolâtrie. Le risque ici est de [...]

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1. J.-L. Marion, Le Phénomène érotique, Paris, Grasset, 2003, p. 341.