La laïcité: une question d'Eglise

Un dialogue entre Epistémon et Théodule met en relief quelques paradoxes de la laïcité, qui apparaît d'abord comme un problème ecclésiologique: quel type de société l'église prétend-elle être'). Que dit-elle d'elle-même?

A la terrasse du Balzar¹, ce vendredi soir, Théodule et Epistémon² lisaient le Monde³. Théodule buvait un xérès, tandis qu'Epistémon savourait un gin-tonic. Ils se connaissaient depuis longtemps : Epistémon, ouvertement irreligieux, avait la chaire d'Ontologie à Paris-XVI, tandis que Théodule, bien connu pour ses convictions catholiques, enseignait l'histoire médiévale aux Hautes Études. Ils n'avaient pourtant guère eu l'occasion de se parler jusqu'alors lorsqu'un événement les conduisit à un dialogue mémorable : le Monde, sous la plume de son chroniqueur religieux, Hervé Zinc, s'alarmait d'un communiqué grondeur de l'évêque de Saint-Lô contre le dernier film de Jean-Louis Soudard, La vie amoureuse de saint Joseph. L'évêque avait jugé bon de protester contre sa diffusion ; des critiques catholiques avaient pourtant salué ce film comme la première contribution à une approche féministe de l'Incarnation. Des intellectuels venaient de s'insurger contre la censure exprimée par l'évêque : « L'expression artistique est incompatible avec les dogmes », avaient-ils affirmé dans un manifeste que le Nouvel Ordonnateur avait fait afficher dans tous les kiosques de ville. Epistémon crut bon d'interroger à cet égard son collègue Théodule.

— Théodule, puis-je vous poser une question indiscrète ?

— Il n'y a que les réponses qui puissent l'être, cher Epistémon. Qu'avez-vous à me demander ? 

— Que pensez-vous de l'intervention de l'évêque de Saint-Lô contre le film de Soudard ? 

— Elle est aussi légitime que celle des critiques de Cinérama ou de La Normandie libérée.
 

Pour lire la suite de cet article, vous pouvez télécharger gratuitement ce numéro, acheter la version papier ou vous abonner pour recevoir tous les numéros!

1. Brasserie parisienne, rue des Écoles à côté de la Sorbonne.

2. Toute ressemblance avec des personnes réelles serait fortuite.

3. Quotidien français, paraît l'après-midi.