Les chrétiens sont les rationalistes, car le Dieu qui se révèle est Logos, Raison. Il est même la raison en personne. Mais de la raison qu’est Dieu, chaque rationalité, à elle seule, ne suffit pas à rendre compte. Foi et raison ne s’opposent donc pas, mais la foi rend raison des rationalités éparses.
Éditorial : Vincent Carraud : Garder la raison
Notre foi confesse le Fils éternel Logos du Père. Ce cahier s'efforce de prendre au sérieux cette affirmation.
Le Logos et les raisons
Jean-Luc Marion : Apologie de l'argument
La raison traverse la crise de l'absence des fondements. Il ne lui reste plus qu'à rechercher le consensus par l'argumentation. Le christianisme est alors une chance pour la raison : en proclamant une vérité exclue du consensus (le Christ), il enrichit le débat et lui interdit de s'emballer dans une autonomie totalisante.
Olivier Boulnois : La simple raison dans les limites de la religion
Le christianisme se veut rationnel au plus intime de lui-même. S'il y a eu conflit entre philosophie et théologie, ce n'est pas que cette dernière manquait de raison, mais parce qu'elle s'est voulue plus rationnelle que la philosophie, munie d'un idéal de science. La théologie chrétienne peut rendre un éminent service à la raison : sauvegarder son autonomie et l'empêcher de se clore sur soi-même.
Georges Chantraine : Le Logos est-il théologique?
La raison à l'oeuvre dans les sciences positives et la philosophie a-t-elle un rapport intrinsèque avec le Logos incarné, qui est l'âme de la théologie? Cette question centrale entre toutes pour la compréhension de notre «modernité» est abordée ici du point de vue du théologien catholique, pour lequel l'incarnation du Verbe implique une assomption intégrale de la nature créée par lui et pour lui, y compris la raison donnée à l'homme en ses diverses modalités, philosophiques ou scientifiques. Loin de tout extrinsécisme, générateur d'athéisme, l'autonomie du créé et de la raison naturelle doit être pensée au sein d'une relation, infiniment féconde en son intimité, de la nature et du surnaturel.
Les états de la raison
Philippe Cormier : Apologie contre le nouvel insensé
Les nouveaux insensés sont ceux qui souscrivent à l'idéologie de la maîtrise de l'homme sur la nature. Hédonisme et technologie, conformisme et barbarie ne seront dépassés que si l'on reconnaît une nature non manipulable : celle de l'homme. Mais pour cela, il faut connaître la véritable raison, celle de la charité.
Alain de Libera : Albert le Grand et Maitre Eckhart: les raisons d'une « mystique »
Le moyen-âge ignore jusqu'à l'idée d'un conflit entre foi et raison. Ce qui ne l'empêche pas de confronter plusieurs types de rationalité : philosophique, théologique, mystique. Ainsi, l'école dominicaine allemande développe une métaphysique de l'intellect sur laquelle repose la « mystique » de l'union à Dieu.
Jean Greisch : La raison au pluriel
Le rationalisme est mort. À la place se déploie un pluralisme des rationalités, en elles-mêmes et dans leur rapport aux sciences. Fautil en conclure que la raison n'est plus que l'art de construire de simples « plans d'immanence » (G. Deleuze) ? Ce serait méconnaître la nature rationnelle de la transcendance chrétienne.
Daniel Bourgeois : De Stefan Zweig, des premiers martyrs et du Verbe de Dieu comme personne
Lecture en contrepoint de quelques nouvelles de Zweig et des Actes des martyrs des premiers siècles : peut-être l'expérience que Stefan Zweig attribue à certains personnages peut-elle aider à comprendre le témoignage jusqu'à la mort que portaient les premiers martyrs (en particulier Justin) au sujet du Christ Logos.
Jean Bastiaire : Chrétiens ou crétins ?
« Abrutissez-vous et vous serez des saints. » Bêtise et piété sontelles nécessairement liées ? L'Église n'a-t-elle pas trop longtemps tiré à vue sur tout ce qui pense?
La laïcité
Joël-Benoît d'Onorio : Les fondements juridiques de la laïcité en France
À l'origine, la laïcité est une arme idéologique dirigée contre l'Église en tant qu'institution. De multiples exceptions en ont tempéré la nature. Malgré certains aspects discriminatoires, la laïcité va plus loin que le respect des consciences, et reconnaît de plus en plus la dimension sociale.
Jean-Robert Armogathe : La laïcité : une question d'Église
Un dialogue entre Epistémon et Théodule met en relief quelques paradoxes de la laïcité, qui apparaît d'abord comme un problème ecclésiologique: quel type de société l'Église prétend-elle être? Que dit-elle d'elle-même ?
Jean-Luc Archambault : La communion dans la raison
Le refus de tout totalitarisme, intellectuel et politique, contraint nos sociétés à se rabattre sur une conception faible de la vérité et de la démocratie. Le maître mot devient alors la confrontation du plus grand nombre possible d'opinions. Cependant cette conception est menacée de toutes parts, intellectuellement, politiquement, économiquement. En outre, elle ne répond pas au légitime besoin d'un principe d'unification, associé au principe de distinction qu'est la laïcité. C'est pourquoi il importe de critiquer cette conception de la vérité et de la démocratie ; c'est là un travail aussi exigeant qu'urgent, puisqu'il y va de la raison comme de l'humanité.
Le conflit des rationalités
Jean Duchesne : Version américaine
Depuis plusieurs années, une controverse (qui n'est pas une vaine polémique cléricale) oppose aux États-Unis le rédacteur en chef de l'édition de Communio en langue anglaise aux «néo-conservateurs ». Enjeux : l'Amérique est-elle assimilable par le catholicisme ? Et jusqu'où peut aller l' « inculturation » de la raison ? La question mériterait un examen des historiens et des philosophes, et un ré-examen des deux Conciles du Vatican.
Isabelle Zaleski : La rationalité économique des politiques de santé
Notre politique de santé peut être décrite en termes de théorie économique et d'analyse sociologique. Toutefois cette approche est réductrice : un système de santé ne se définit pas seulement par l'allocation optimale des ressources, mais par les valeurs éthiques qui le fondent. La question-clé devient alors : peut-on estimer la valeur d'une vie humaine ?
Nicolas Baverez : Sur la guerre juste
La fin de la guerre froide, en même temps qu'elle multiplie les possibilités d'exercice direct de la violence, renouvelle les interrogations sur sa légitimité. L'auteur examine l'évolution et les emplois des notions de guerre morale, légale et légitime, après le discrédit de la conception théologique de la notion de guerre juste. Cependant la guerre du Golfe ne témoigne-t-elle pas de son retour en force?
Christophe Carraud : La raison en peinture : L'Astronome de Vermeer
Y a-t-il une iconographie de la raison ? L'Astronome n'est pas un modèle, il est l'attentive patience de la raison qui n'a rien négligé.
Garder la raison
Vincent Carraud
« Je prie les lecteurs de n'ajouter point du tout de foi à tout ce qu'ils trouveront ici écrit, mais seulement de n'en recevoir que ce que la force et l'évidence de la raison les pourra contraindre de croire. » Descartes, Principes, IV, 207.
« Nous n'avons pas pour adversaire la raison, mais l'imagination. » J.H. Newman, Letters and Diaries (éd. Dessain and Gornall, t. 30, 1976, p. 159).
« Le Christ est le premier-né de Dieu, son Logos auquel tous les hommes participent: voilà ce que nous avons appris et ce que nous avons déclaré. Et ceux qui ont vécu selon le Logos sont chrétiens même s'ils ont passé pour athées,
comme chez les Grecs, Socrate, Héraclite et leurs semblables, et chez les barbares, Abraham, Ananias, Azarias, Misaël, Elie et tant d'autres. » Justin, Apologies, I, 46, 3-4.
Le centième cahier de l'édition francophone de Communio a pour objet la raison. Il y a là moins de provocation qu'il n'y paraît, et pas le moindre paradoxe. Notre foi confesse le Fils éternel Logos du Père. Prendre cette affirmation au sérieux, c'est ce à quoi ce cahier s'efforce.
1. La raison (logo ratio) est la vocation du christianisme. Le christianisme a un devoir de pensée. C'est sa tâche propre, et peut-être son caractère spécifique, comme religion. La révélation de Dieu dans le Christ Jésus (théo-phanie) ne fournit pas seulement un objet à regarder (esthétique) ; comme y insiste Hans-Urs von Balthasar, elle est fondamentalement théo-logie, ou théo-logique, car le Christ est la raison en personne. Il importe donc de se demander ce que signifie logos pour qu'une rationalité théologique soit non seulement possible, mais même exigée — ce qui marque la particularité du christianisme1.
Inversement, il ne convient pas moins d'examiner ce que le christianisme dit de la raison: d'une part, parce que sa notion n'est pas nécessairement première; plus qu'il n'offre un point de départ assuré, le concept de raison est problématique — au moins autant que celui de foi. D'autre part, parce que le logos incarné dévoile peut-être davantage la nature du logos humain que celui-ci n'éclaire (en prétendant en régir la rationalité) le logos divin, absolument inconditionné.
2. Le christianisme est essentiellement explication, déploiement, développement. Car si la réponse divine constitue [...]
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1. Voir, dans ce cahier, l'art. de G. Chantraine, « Le Logos est-il théologique? » et le dernier livre traduit en français de Hans-Urs von Balthasar, Simplicité chrétienne, Desclée, 1992.
2. Voir O. Boulnois, « La simple raison dans les limites de la religion ».
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