Qu'elle provoque notre fascination, notre répulsion ou notre compassion, la rencontre des pauvres nous ébranle. Le christianisme a introduit dans le monde le souci des pauvres, à la suite du Christ qui s'est dépouillé de ses richesses et s'est lui-même identifié à la personne du Pauvre: les pauvres sont le trésor de l'Église et ils sont nos maîtres. Si le chrétien doit rechercher cette pauvreté en esprit qui est une vertu évangélique, il doit cependant lutter sans concession contre la misère matérielle et morale qui défigure ses frères. C'est la figure des pauvres, foule hétéroclite des infortunes humaines, que ce numéro de Communio nous invite à rencontrer.
Sur le même thème, vous apprécierez aussi : La Pauvreté (1986) et Les Exclus (2002).
Éditorial: Quentin Delacour et Éric de Moulins-Beaufort
Thème : Les Pauvres
Pierre Coulange: Dieu a le privilège de voir les pauvres
Les Psaumes le proclament: à la différence des idoles, Dieu est capable de voir les pauvres. Ce regard de Dieu n'est pas inactif: quand il s'abaisse, qu'il plonge dans la pauvreté de notre histoire, il met en action un élan ascensionnel: il « relève de la poussière le pauvre ». Cette capacité de voir le pauvre est un privilège spécial, royal, de Dieu, qui est justement incomparable.
Nathalie Requin : Les Pères de l’Église et les pauvres – Le témoignage de Cyprien, Ambroise et Augustin
L'irruption du christianisme dans le monde antique a mis en avant un souci des pauvres jusqu'alors ignoré. À la suite du Christ, qui « s'est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté », les chrétiens, et plus encore leurs pasteurs, sont appelés à vivre un certain dépouillement et à rencontrer le Christ en la personne du pauvre. Sont présentées ici trois figures d'évêques, du IIIe au Ve siècle, qui ont incarné cette place des pauvres dans le christianisme antique.
Holger Zaborowski: Concept, typologie et éthique de la pauvreté – approches philosophiques
Établir une définition de la pauvreté est l'objet d'un débat entre les différentes branches des sciences humaines, mais également dans la réflexion théologique. L'auteur propose ici une typologie distinguant les différentes formes de pauvreté, et dégage, à partir d'une « éthique de la pauvreté », les raisons et les moyens d'une aide efficace aux pauvres.
Cardinal Gerhard Ludwig Müller : La pauvreté, un défi pour l’Église – Éthique et sotériologie
Il est de la nature même de l'Église de considérer les pauvres, autant dans leur dignité et leur libre choix que dans leurs besoins. Car il ne s'agit pas seulement de doctrine sociale, mais du statut même du chrétien à la suite du Christ: le comportement moral est ici indissociable de la foi au Christ, « universel concret » de l'humanité.
Olivier Boulnois : La plus haute pauvreté– L’expérience franciscaine, un défi pour la pensée ?
François d'Assise introduit un renversement dans l'ordre d'une société qui s'enrichit; à sa suite, ses compagnons se sont interrogés sur la possibilité d'une pauvreté radicale, qui n'a pas recours à l'argent. Les polémiques qui s'ensuivirent amenèrent certains à penser l'expérience franciscaine comme un droit à ne rien posséder. Sont présentés ici les débats et les enjeux de la « très haute pauvreté » franciscaine.
Pierre-Alain Cahné : Misère et pauvretés
Bernanos traite avec Mouchette un portrait de cette misère pathétique que Péguy oppose à la pauvreté digne: humiliation et souillure en sont les traits caractéristiques. Cette misère morale, autrement plus redoutable que la pauvreté matérielle, qui pourtant nous émeut davantage, présente une dimension tragique dont l'homme moderne tente de se protéger. Chez Bernanos, ce qui rend le « misérable » désespéré est la fin, en lui, de l'Espérance du Ressuscité.
Philippe Brizard : La spiritualité du pauvre du bienheureux Vladimir Ghika
Déclaré martyr, puis béatifié par le pape François, la figure lumineuse de Vladimir Ghika traverse la première moitié du XXe siècle. Missionnaire laïc, puis prêtre, il a témoigné de cette première règle du Royaume: « Heureux les Pauvres », en vivant une charité totale, par amour du prochain et pour l'amour de Dieu. Est présentée ici sa spiritualité à travers la « liturgie du prochain » et la « théologie du besoin » qui caractérisent son apostolat.
Dominique Paturle : Les pauvres
La parole des pauvres est un trésor pour l'Église. Dominique Paturle se veut ici le porte-voix des pauvres qu'il rencontre quotidiennement dans communauté du Sappel, et qui s'expriment dans ces lignes: ils disent la foi, la souffrance et la Croix, la vie. Écoutons-les nous instruire.
Peut-on motiver profondément une conversion missionnaire de toute l'Église sans une redécouverte de sa sacramentalité? Lors de la conférence qu'il a donnée pour le quarantième anniversaire de Communio, l'auteur invite à aborder les tâches de la réflexion théologique sous l'angle du témoignage toujours plus ancré dans le mystère du Christ et de l'Église.
Homélie prononcée lors de la messe célébrée en la cathédrale Notre-Dame de Paris pour quarantième anniversaire de l'édition française de la revue Communio.
Éditorial
Quentin Delacour et Mgr. Éric de Moulins-Beaufort
« Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, et, quand vous le voulez, vous pouvez leur faire du bien; mais moi, vous ne m'aurez pas toujours » Marc 14, 7
« Qu'il fait beau voir les pauvres, si nous les considérons en Dieu et dans l'estime que Jésus-Christ en a faite! [...] Allons donc, et employons-nous avec un amour nouveau à servir les pauvres. Et même cherchons les plus pauvres et les plus abandonnés. Reconnaissons, devant Dieu, que ce sont nos seigneurs et nos maîtres, et que nous sommes toujours indignes de leur rendre de petits services » Saint Vincent de Paul, Entretien avec les filles de la charité, SV IX, 319
« Je dis que le monde sera sauvé par les pauvres, ceux que la société moderne élimine, parce qu'ils ne sont plus capables de s'y adapter et parce qu'elle n'est pas en mesure de les assimiler, jusqu'à ce que leur ingénieuse patience ait, tôt ou tard, raison de sa férocité. Je dis que les pauvres sauveront le monde: ils feront cette colossale affaire » G. Bernanos, Les Enfants humiliés, Essais et écrits de combat, p.898
Les pauvres, et non la pauvreté, tel est le thème de ce numéro de Communio ; il ne s'agira donc pas seulement de présenter la pauvreté comme concept socio-économique ou comme valeur évangélique, mais d'en rencontrer la vivante figure en la personne des pauvres. Encore une fois, non le pauvre idéalisé, figure romantique de nos sociétés occidentales, mais les pauvres, dans leur foule hétéroclite comme celle représentée sur notre tableau de couverture.
Évolution de la perception de la pauvreté
Les pauvres fascinent ou effraient ceux qui se définissent comme n'en faisant pas partie. L'évolution de la perception du pauvre et des pauvres par la société occidentale est significative. Les changements économiques liés à l'avènement de la modernité ont largement modifié les rapports sociaux et fait perdre au pauvre une certaine place qui pouvait lui être assurée dans la société médiévale : du pauvre, figure du Christ que le chrétien était appelé à rencontrer et à secourir par l'aumône individuelle, on finit par arriver aux pauvres, notion de statistique qui fait gripper les rouages d'un système socio-économique ordonné.
Ce symbole insupportable dans une société moderne rationalisée suppose une prise en charge, progressivement transférée des individus à la société puis aux États, depuis les tentatives de « grand enfermement » dans l'Europe du XVIIe siècle jusqu'aux notions contemporaines de « Care ».
L'espoir d'éradiquer durablement la pauvreté traverse aussi les utopies ou les époques de développement économique, comme récemment les Trente Glorieuses, mais reste un objectif majeur pour les États (le « Zéro SDF en 2012 » du Président Sarkozy), ou les organisations supranationales. L'Église a joué un rôle majeur dans l'accompagnement de cette institutionnalisation de la charité[1].
Masse grouillante de toutes les infortunes physiques, morales, sociales, familiales, les pauvres constituent un repoussoir dans les représentations de ceux qui cherchent à tout prix à s'en exclure. Ils sont vus le plus souvent comme un danger, qu'il est un devoir pour les élites, sinon de combattre, du moins de contenir : que l'on pense aux théories malthusiennes ou au Lumpenproletariat dans l'analyse marxiste. [...]
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1. Voir J.-R. Armogathe et M. W. Oborne, éd, Pauvretés et urgences sociales, Parole et Silence, 2011.
Peut-on motiver profondément une conversion missionnaire de toute l'Église sans une redécouverte de sa sacramentalité? Lors de la conférence qu'il a donnée pour le quarantième anniversaire de Communio, l'auteur invite à aborder les tâches de la réflexion théologique sous l'angle du témoignage toujours plus ancré dans le mystère du Christ et de l'Église.
Homélie prononcée lors de la messe célébrée en la cathédrale Notre-Dame de Paris pour quarantième anniversaire de l'édition française de la revue Communio.
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