n°159 Les exclus Janvier - Février 2002*


Les exclus sont-ils le déchet inévitable d’une société en pleine mutation ? Quel regard porter sur ceux qui restent au bord du chemin ? D’Abraham, choisi entre tous pour qu’en lui soient bénies toutes les nations, au Christ qui s’identifie à tous les rejetés de la terre, le Dieu de la Bible ne cesse de faire revenir notre regard vers celui que nous préférerions ne pas voir. L’analyse des mécanismes d’exclusion est indispensable pour ne pas céder à un angélisme stérile. Elle ne peut se dissocier de cette visée fondamentale d’un monde d’où l’exclusion soit bannie.

Page Titre Auteur(s)
9 Qui est exclu? Mais qui sont les exclus?
23 La Bible face à l’autre, au différent, à l’étranger Gianfranco RAVASI
41 L’exclusion à l’École Philippe CORMIER
53 Exclusion et système de santé : comment décider de ce qui est inclus et de ce qui est exclu de la couverture par l’assurance maladie publique ? Isabelle ZALESKI
61 Le Samu Social : une révolution culturelle: Propos recueillis par Paul Guillon et Xavier Morales Dominique VERSINI
71 « Dieu sait qui l’on est » Françoise FERRAND Le LE CORRE
86 L’écriture et les Écritures Béatrice JOYEUX-PRUNEL
105 Les paradoxes du consentement éclairé Isabelle OLIVO-POINDRON
115 Pierre, cardinal Eyt Claudie LAVAUD

Éditorial: Qui est exclu ? Mais qui sont les exclus ?

À réfléchir sur l’exclusion, nous approchons une sorte de mystère qui est celui de l’homme lui-même : l’exclu (économique, social, psychiatrique), l’étranger, le malade, le prisonnier, la société ou la nation misérable et marginalisée dans le jeu des échanges internationaux peuvent n’être considérés que comme des révélateurs d’imperfections « techniques » d’un système qui fonctionne à la satisfaction d’une majorité : ce sont des « cas marginaux ». Ou bien il faut prendre au sérieux leur regard dont la foi nous dit que c’est le regard du Christ et nous demander : sont-ils vraiment exclus, c’est-à-dire privés d’amour ?

Analyses

Gianfranco Ravasi : La Bible face à l’autre, au différent, à l’étranger

Lire l’Ancien Testament en privilégiant ce que l’on a pu appeler le « dossier de la haine » est inacceptable. Au terme d’une dialectique entre universalisme et particularisme, c’est bien une vision universaliste du salut qui a prévalu ; d’Abraham à la littérature sapientielle en passant par les prophètes, rien n’annule l’élection d’Israël, mais tout s’oriente vers un accueil plus ouvert de l’étranger, vers cette situation où tous sont appelés à faire partie de la famille de Dieu.

Philippe Cormier : L’exclusion à l’École

L’exclusion dans l’institution scolaire semble toucher en premier lieu les enfants handicapés, en particulier mentaux. Or depuis 1975 la loi répond à l’exclusion par l’intégration, en particulier scolaire : en principe, les handicapés ne sont plus des exclus. De fait, l’exclusion la plus grave est celle qui met en échec beaucoup d’élèves « normaux » dits en difficulté ou difficiles. C’est une exclusion de l’intérieur, qui n’exclut pas mais ignore les besoins de ces élèves, créant l’équivalent d’un quart monde scolaire, situation qui conduit à s’interroger sur l’inadaptation et l’injustice du système scolaire actuel.

Isabelle Zaleski : Exclusion et système de santé : comment décider de ce qui est inclus et de ce  qui est exclu de la couverture par l’assurance maladie publique ?

Malgré la loi sur la couverture maladie universelle, des inégalités « techniques » sont ici pointées, dont la répartition du financement des soins ; la notion de « panier de soins » jugés essentiels impose des choix, facteurs d’exclusion, insupportables pour une collectivité plus attachée à ses droits qu’à la solidarité. On ne peut donc définir une politique de santé qui n’exclut pas « qu’en appelant chacun à être responsable de la gestion des ressources dans le but de les faire servir aux autres ».

Témoignages

Dominique Versini : Le Samu Social : une révolution culturelle - Propos recueillis par Paul Guillon et Xavier Morales

Directrice du Samu Social de Paris, Dominique Versini analyse les causes d’une exclusion massive propre à notre époque et explique pourquoi le Samu Social a renouvelé l’approche de ce phénomène et de ceux qui le vivent. Il fut le premier à tâcher d’articuler professionnalisme et disponibilité gratuite à l’égard des sansabri, et à se faire le lien entre eux et les services sociaux existants. Il est aussi à l’origine de modifications législatives sur le traitement de la grande pauvreté. Une entreprise « citoyenne » fondée par des chrétiens.

Françoise Ferrand, Martine Le Corre : « Dieu sait qui l’on est »

Le mouvement ATD Quart Monde se fonde sur un triple refus : refus de la misère, refus de la culpabilité qui pèse sur ceux qui la subissent, refus du gâchis spirituel et humain que constitue le fait qu’une société puisse se priver de leur expérience. Le Père Wresinski, fondateur de l’ATD invite à poser sur les exclus le regard du Christ, à partager et bâtir avec eux des projets communs, en garantissant la liberté de penser des personnes en détresse : tout homme a une valeur fondamentale en lui, c’est un homme, ce n’est pas un inférieur.

Signets

Béatrice Joyeux : L’écriture et les Écritures

La Bible semble faire peau neuve depuis le lancement d’une nouvelle traduction par Bayard. Fruit du travail collectif d’exégètes et d’écrivains contemporains, cette édition a été présentée comme un événement littéraire et culturel sans précédent. Cet article, laissant aux exégètes le dernier mot pour juger du résultat, voudrait analyser ce phénomène culturel et le resituer dans l’histoire des traductions de la Bible. Face à l’analphabétisme religieux, la traduction peut remettre les Écritures au goût du jour et contribuer au travail apostolique. Ce qui semble compter pour les traducteurs cependant, c’est bien sa dimension de « manifeste littéraire ». Et de fait, cette nouvelle version frappe par son approche sans crainte de la matérialité des mots. On peut regretter que ce soit la littérature contemporaine qui confère à l’Écriture sa dimension sacrée. On peut s’interroger aussi sur certains choix de traduction peu littéraires et pourtant non sans incidences. Cette conception de la traduction est pour le moins étonnante. Ne peut-on préférer une approche plus modeste, et d’ailleurs plus pétrie de langue et de culture bibliques, dont l’ambition est de faire accéder à la poétique du divin, et pas seulement à la littérature d’un texte parmi d’autres ?

Isabelle Olivo-Poindron : Les paradoxes du consentement éclairé

Rigoureusement analysé, le principe juridique du respect de la personne se révèle traversé de contradictions. Elles ne peuvent être levées que si l’on accepte de poser non seulement une responsabilité du patient qui consent mais aussi un renforcement de la responsabilité du médecin : c’est pour le patient que le médecin agit, et solliciter l’accord du malade ne se dissocie pas de la sollicitude du médecin pour le patient.

Claudie Lavaud : Pierre, cardinal Eyt

Communio a depuis toujours avec le Père Eyt des liens d’amitié et de dialogue fraternel. L’article évoque le cheminement de pensée et d’action d’un prêtre et d’un théologien qui n’a jamais séparé le travail des concepts, la fidélité à la tradition, l’intérêt pour les mouvements d’idées nouvelles, et le souci des conjonctures complexes et parfois douloureuses de l’histoire présente.

Qui est exclu ? Mais qui sont les exclus? 

« Il suffit qu’un seul homme soit tenu sciemment, ou, ce qui revient au même, sciemment laissé dans la misère pour que le pacte civique tout entier soit nul ; aussi longtemps qu’il y a un homme dehors, la porte qui lui est fermée au nez ferme une cité d’injustice et de haine. » Charles Péguy, De Jean Coste in Cahiers de la quinzaine, 4-XI-1902.

 

Banalité du concept : nous sommes tous exclus de quelque part...

Si l’on consent à faire son deuil de l’utopie consistant à vouloir que chacun soit tout, transcendant toute limite et sortant de l’espace et du temps, l’exclusion apparaît comme l’un des mécanismes structurants des sociétés humaines, et d’ailleurs de tout groupe vivant quel qu’il soit. Il y a toujours et partout un « dedans », intégré, et un « dehors », exclu ; un ami et un ennemi ; un citoyen et un étranger ; un riche et un pauvre. Et pour former ces lignes de séparation, et constituer les groupes qui se situent de part et d’autre de chacune d’entre elles, un mécanisme positif d’intégration, dont le pendant est un mécanisme négatif d’exclusion. Que ces lignes de fracture, ou simplement de séparation, puissent évoluer au cours du temps, que certaines d’entre elles soient inassimilables par telle ou telle société – comme la séparation entre maîtres et esclaves pour les actuelles sociétés occidentales – ce sont des évidences ; mais refuser, en soi, le processus par lequel un groupe définit son existence par référence à ses membres et par opposition à ceux qui ne le sont pas, ne peut aboutir qu’à nier la validité de toute limite. Et alors, c’est le vide, quand ce n’est pas la monstruosité des crimes contre l’humanité au nom de l’Humanité, des attentats anarchistes au nom de la Liberté, ou d’épouvantables dictatures au nom de l’Égalité. Hegel avait en son temps décrit ce mécanisme de négation du relatif dans sa description de ce qu’il nomme la « Liberté du vide ».[...] 

 

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Béatrice Joyeux : L’écriture et les Écritures

La Bible semble faire peau neuve depuis le lancement d’une nouvelle traduction par Bayard. Fruit du travail collectif d’exégètes et d’écrivains contemporains, cette édition a été présentée comme un événement littéraire et culturel sans précédent. Cet article, laissant aux exégètes le dernier mot pour juger du résultat, voudrait analyser ce phénomène culturel et le resituer dans l’histoire des traductions de la Bible. Face à l’analphabétisme religieux, la traduction peut remettre les Écritures au goût du jour et contribuer au travail apostolique. Ce qui semble compter pour les traducteurs cependant, c’est bien sa dimension de « manifeste littéraire ». Et de fait, cette nouvelle version frappe par son approche sans crainte de la matérialité des mots. On peut regretter que ce soit la littérature contemporaine qui confère à l’Écriture sa dimension sacrée. On peut s’interroger aussi sur certains choix de traduction peu littéraires et pourtant non sans incidences. Cette conception de la traduction est pour le moins étonnante. Ne peut-on préférer une approche plus modeste, et d’ailleurs plus pétrie de langue et de culture bibliques, dont l’ambition est de faire accéder à la poétique du divin, et pas seulement à la littérature d’un texte parmi d’autres ?

Isabelle Olivo-Poindron : Les paradoxes du consentement éclairé

Rigoureusement analysé, le principe juridique du respect de la personne se révèle traversé de contradictions. Elles ne peuvent être levées que si l’on accepte de poser non seulement une responsabilité du patient qui consent mais aussi un renforcement de la responsabilité du médecin : c’est pour le patient que le médecin agit, et solliciter l’accord du malade ne se dissocie pas de la sollicitude du médecin pour le patient.

Claudie Lavaud : Pierre, cardinal Eyt

Communio a depuis toujours avec le Père Eyt des liens d’amitié et de dialogue fraternel. L’article évoque le cheminement de pensée et d’action d’un prêtre et d’un théologien qui n’a jamais séparé le travail des concepts, la fidélité à la tradition, l’intérêt pour les mouvements d’idées nouvelles, et le souci des conjonctures complexes et parfois douloureuses de l’histoire présente.


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