n°245 L'Inspiration des Écritures Mai - Juin 2016*


Éditorial Régis Burnet

Thème : L'Inspiration des Écritures

Jean‑Robert Armogathe : L’Inspiration de saint Matthieu – Note sur deux tableaux du Caravage

En 1602, Caravage peignit deux représentations successives de saint Matthieu rédigeant son évangile, l’une conservée à Saint‑Louis‑des‑Français à Rome et l’autre détruite dans l’incendie du Friedrich‑Kaiser‑Museum en 1944, mais connue par des photographies. Dans l’une l’ange tient la main de Matthieu, alors que dans l’autre, il murmure à son oreille. Ces deux mises en scène révèlent deux conceptions bien différentes de l’inspiration. 

Michel Costantini : Dialogue avec l’Absent/Présent

Qu’est‑ce que l’inspiration ? Avant de parler de l’Inspiration des Écritures, il convient de se questionner sur ce concept hérité des Grecs. Il se définit essentiellement comme ouverture à autrui ou à l’Autre par le truchement d’un texte. Lire un texte inspiré, c’est s’incorporer l’Autre, reconnaître sa trace dans l’écrit, se vouer à le chercher et à le (re) connaître par l’interprétation, pour finalement dire : « Tu es en moi, je suis en Toi ». 

Jean‑Robert Armogathe : Qui écrit ?  Petite histoire de l’inspiration

« Dieu est l’auteur de l’Écriture sainte » : voilà une proposition qui traverse toute l’histoire de l’exégèse, et sur laquelle un consensus semble être établi. Mais cette unanimité de surface cache des interprétations différentes, voire contradictoires. Que faut‑il entendre, en effet par « être auteur » ? Qui écrit l’Écriture ? Du ive siècle à Vatican II, voici une petite histoire de cette formule. 

Olivier Riaudel : De l’écrivain inspiré à l’inspiration du texte

Lui aussi influencé par les travaux de François Martin, Olivier Riaudel propose un déplacement d’accent de la théologie de l’inspiration. Plutôt que de tout faire reposer sur l’auteur inspiré, il suggère de « tenir la Parole pour l’instance fondatrice de l’Écriture et l’Écriture pour le lieu de manifestation de la Parole ». 

Olivier‑Thomas Venard : L’inspiration des Écritures – Esquisse d’une problématique à la lumière des travaux de François Martin

Se fondant sur les travaux de François Martin (1950‑2001), Olivier‑Thomas Venard définit une théologie non pas de l’auteur, mais de la lettre, qui tient compte des avancées des techniques d’analyse littéraire. Il propose de substituer à la dichotomie parole/écriture une distinction entre, d’une part, la communication et, d’autre part, la force d’énonciation qui tend à se dire en communiquant le message. Il propose également une étude approfondie de la pratique de l’accomplissement des Écritures dans le judaïsme ancien.

Michel Younès : L’inspiration en christianisme et en islam

Si christianisme et islam ont recours à la notion d’inspiration, les deux religions n’ont pas la même définition. En effet, alors que la référence à un texte inspiré en christianisme ne se fait pas en dehors de l’histoire des hommes qui le composent, sous la motion de l’Esprit de Dieu qui guide son accomplissement, le dogme musulman du Coran incréé, qui s’impose à partir du ixe siècle, restreint le champ de l’inspiration au seul texte, considéré désormais comme étant la copie conforme de la parole incréée de Dieu, indépendamment de l’histoire.

Signets

Marguerite Léna : Une initiative apostolique – La Communauté Saint‑François‑Xavier 

À l’occasion des cent ans d’existence de la Communauté Saint‑François‑Xavier fondée par Madeleine Daniélou, l’auteur présente l’originalité et la spécificité de l’engagement – au service d’une mission de formation humaine et spirituelle – pris par celles qui ont répondu à un appel personnel de Dieu. Ce qui les a menées à élargir leurs tâches, de la vie scolaire à la formation et recherche intellectuelle, accompagnement psychologique et spirituel, retraites, en lien avec d’autres acteurs de la vie de l’Église.  

Henrique de Noronha Galvão : Pour une théologie de Fátima – Cent ans après

Le centenaire des apparitions de la Vierge aux jeunes bergers de Fátima (1917) est un événement majeur dans le monde ibérique. Un grand théologien portugais explique comment ce phénomène de piété populaire contient  un message théologique particulièrement important pour notre époque. 

In memoriam Georges cardinal Cottier (25 avril 1922 - 31 mars 2016) 

In memoriam Michel Sales, sj (11 novembre 1939 - 27 avril 2016) 

 

Nous remercions Jean‑Robert Armogathe pour son concours gracieux comme traducteur.

Éditorial

Régis Brunet

« Chaque fois que le Verbe de Dieu s’est adressé à un prophète ou un patriarche, c’est Sion tout entière qui enfanta le Verbe du Seigneur, tout comme la Vierge conçut et enfanta le Verbe fait chair. » Rupert de Deutz, De trinitate …, in Isaiam lib. II, PL 167, col. 1362 BD

Lorsqu’on parle de l’inspiration des Écritures, deux réactions sont à attendre, suivant l’interlocuteur – s’il n’a pas réfléchi à la question, il y verra une sorte de dictée sacrée, comme l’ange qui tient la main de saint Matthieu dans la première des deux versions du Caravage commentées dans ce numéro par J.‑R. Armogathe1 , si c’est un exégète, il observera un silence prudent, profond et méditatif. Le théologien pense que l’inspiration biblique est une question pour l’exégète… qui la tient pour une question de théologien. Comme l’écrivait avec ironie Karl Rahner en 1958 : « Si l’on veut rester vrai, on doit avouer que la plupart des exégètes catholiques certes ne nient pas l’inspiration des Écritures ni ne la mettent en doute, mais la laissent bien de côté, avec l ’impression qu’elle ne leur apporte pas grand‑chose dans l’accomplissement de leur propre tâche2. »

Car l’histoire de l’inspiration est complexe et bousculée dans deux directions contradictoires, les unes attribuant tout à Dieu (la dictée) ; les autres tout à l’homme (la libre création). Or le double souci d ’assurer l‘authenticité divine de la Révélation, et donc d ’éliminer les altérations et interférences des intermédiaires, d ’une part, et d ’autre part de respecter le libre arbitre des auteurs, et de donner droit à une réflexion sur ce qu’est un texte et un auteur semble conduire à une impasse, ou du moins à une aporie. La théorie de la dictée et ses limites.

La théorie de la dictée et ses limites  

Ainsi que l’explique l’article de J.‑R. Armogathe qui fait l’historique des diverses théories de l’inspiration avancées dans l’histoire3la théorie de la dictée fut pendant longtemps la plus répandue, tout en soulevant de grandes difficultés. Un exégète anglican fort original, Austin Farrer (1904‑1968), a expliqué pourquoi on peut la considérer comme une position intenable4. Dans la dictée, disait‑il, tout se passe comme si des sténographes avaient pris au vol le discours d ’un 3 4 important personnage, lorsque son secrétaire arrive, avec le texte du discours et se met à le dicter. Les notes sténographiques deviennent alors inutiles. Or le Christ est la Révélation divine par excellence : [...]

 

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1 L’inspiration de saint Matthieu. « Note sur deux tableaux du Caravage », p. 17.

2 Karl Rahner, Über die Schrift‑Inspiration,  1, Herder, Freiburg‑Basel‑Wien, 1958, p. 15.

3 « Qui écrit ? Petite histoire de l’inspiration », p. 37.

4 A. Farrer , Glass of Vision , Bampton Lectures 1948 « Quæstiones disputatæ »  Dacre Press, Westminster, 1948, p. 37. 

Marguerite Léna : Une initiative apostolique – La Communauté Saint‑François‑Xavier 

À l’occasion des cent ans d’existence de la Communauté Saint‑François‑Xavier fondée par Madeleine Daniélou, l’auteur présente l’originalité et la spécificité de l’engagement – au service d’une mission de formation humaine et spirituelle – pris par celles qui ont répondu à un appel personnel de Dieu. Ce qui les a menées à élargir leurs tâches, de la vie scolaire à la formation et recherche intellectuelle, accompagnement psychologique et spirituel, retraites, en lien avec d’autres acteurs de la vie de l’Église.  

Henrique de Noronha Galvão : Pour une théologie de Fátima – Cent ans après

Le centenaire des apparitions de la Vierge aux jeunes bergers de Fátima (1917) est un événement majeur dans le monde ibérique. Un grand théologien portugais explique comment ce phénomène de piété populaire contient  un message théologique particulièrement important pour notre époque. 

In memoriam Georges cardinal Cottier (25 avril 1922 - 31 mars 2016) 

Un des fondateurs de Communio francophone, le cardinal Georges Cottier, o.p., est décédé le 31 mars. De nationalité suisse, entré chez les Dominicains, il a étudié à Rome (Angelicum) et à Genève, où il a soutenu en 1959 une thèse sur L’athéisme du jeune Marx et ses origines hégéliennes (Paris, Vrin, 1959). Enseignant de philosophie à Genève et à Fribourg, il fut appelé à Rome comme théologien de la maison pontificale (1989‑2005), et assura le secrétariat de la Commission théologique internationale (jusqu’en 2004). Il fut créé cardinal par Jean‑Paul II au consistoire du 21 octobre 2003. Disciple du cardinal Journet, ami du P. Hans Urs von Balthasar et du P. Guy Bedouelle, le P. Georges Cottier a participé à la fondation de la revue francophone, où il a publié plusieurs articles. Il a donné en dernier lieu une préface au livre de Dagmar Halas, Le silence de la peur. Traduire la Bible sous le communisme (Communio, Parole et Silence, 2015).

In memoriam Michel Sales, sj (11 novembre 1939 - 27 avril 2016)

Michel Sales, né le 11 novembre 1939, membre de la Compagnie de Jésus, ordonné prêtre à Lyon en 1970 par le cardinal Daniélou, a été secrétaire de rédaction des Archives de philosophie (1971‑1981) entreprenant parallèlement une thèse de doctorat sur Absolu et liberté chez Gaston Fessard sous la direction de Claude Bruaire. Tuteur et enseignant au CERP, puis au Centre Sèvres créé à Paris en 1974, il fut aussi aumônier du Cercle Saint Jean‑Baptiste et co‑fondateur de l’édition française de la revue internationale Communio.


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