Le virus brownien. La réduction brownienne de l’incertitude et la crise financière de 2007-2008

Une disposition mentale à prendre des risques inconsidérés a été introduite dans la finance professionnelle par une erreur fondamentale de modélisation dans tous les systèmes financiers. Cette erreur est la réduction de l’incertitude par une représentation brownienne du hasard, qui laisse croire que le risque peut être totalement maîtrisé ou annulé. On désigne du terme de « virus brownien » cette erreur car elle a rendu la finance professionnelle immuno-déficiente face au risque réel. Cela introduit un élément nouveau dans les causes de la crise financière, la notion de risque de modèle, et montre que du point de vue de l’éthique financière, le choix d’un modèle mathématique n’est pas éthiquement neutre.

L’affaire semble entendue : la crise financière puis économique actuelle est due à l’avidité des banques et à la sophistication des produits et montages financiers dont on ne comprenait plus la structure réelle de risque. D’où les causes désignées et offertes en boucs émissaires à la vindicte des opinions publiques : la cupidité des acteurs financiers incités à agir ainsi par un système de rémunérations à base de bonus, et une innovation financière débridée qui aurait largement contribué à déconnecter la finance de l’économie appelée « réelle »1. Il en résulte des appels incantatoires exprimés par les politiques en termes vagues, sur les thèmes de la reconstruction du capitalisme, de la moralisation de la finance (qui devrait à nouveau revenir au service de l’économie), et des apories du libéralisme dont on prédit (ou l’on espère), soit un amendement sérieux, soit la fin.

On voudrait insister ici sur un aspect peu examiné jusqu’à présent dans les analyses de la crise : la notion de risque de modèle, et en tirer éclairage pour montrer, sur un cas précis, comment se nouent erreur méthodologique et implications éthiques. [...]

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1. Ces thèmes sont récurrents à quelques variantes près dans la plupart des ouvrages publiés depuis 2007. La liste est trop longue pour les recenser ici. Pour une analyse de l’opposition entre économie et finance qui utilise la notion de valeur fondamentale « réelle » face à une valeur financière «artificielle », voir C. WALTER et E. BRIAN (dir.), Critique de la valeur fondamentale, Springer, 2008.