Le double récit lucanien : une théologie de l’accomplissement

Pourquoi Luc choisit-il de raconter deux fois l’Ascension et la Pentecôte ? Cette question invite à réfléchir à l’architecture d’ensemble formée par le diptyque de l’Évangile selon saint Luc et des Actes des apôtres, dont ce double récit constitue le pivot. Cette mise en récit originale est une aide précieuse pour comprendre comment, sous l’action de l’unique Esprit, l’oeuvre du Christ se rend présente dans l’oeuvre des disciples, selon le régime propre de celle-ci.

Au moment où les Actes des Apôtres entreprennent de raconter l’Ascension, l’auteur rappelle, dans un bref prologue, qu’il a « dans son premier livre » poursuivi son récit « jusqu’au jour où [...] il fut enlevé au ciel » (Actes 1,1-3). Il souligne donc d’emblée, d’une manière appuyée, qu’il a déjà raconté ce qu’il va pourtant de nouveau mettre en scène. À vrai dire, il ne suffi t pas de signaler un dédoublement du récit : le lecteur repère aisément que l’un s’insère dans le mouvement conclusif de l’Évangile, tandis que le second inaugure une nouvelle séquence  narrative, celle des Actes ; il repère également que la même scène est racontée selon deux points de vue différents : de Luc 24 à Actes 1, le regard se déplace du Christ aux témoins de la scène. À une Ascension-Pentecôte conçue  comme le couronnement glorieux de l’oeuvre du Christ succède une séquence narrative qui souligne l’inquiétude des témoins et la mission nouvelle qu’ils reçoivent. Or l’exégèse actuelle, dans sa quasi-totalité, signale non seulement l’unité de l’auteur, saint Luc, mais également l’unité de l’oeuvre que constituent l’Évangile selon saint Luc et les Actes des Apôtres, unité couramment désignée par l’expression « Luc-Actes » ¹. Un regard sur la composition d’ensemble de ce diptyque s’avère donc indispensable pour éclairer efficacement ce double point de vue porté sur l’élévation du Seigneur et la promesse de l’Esprit, élargissement d’autant plus nécessaire que saint Luc est le seul à envisager ensemble, comme un tout, les deux mystères de l’Ascension et de la Pentecôte. [...]
 

Pour lire la suite de cet article, vous pouvez acheter ce numéro ou vous abonner pour recevoir tous les numéros!

1. Dans le Cahier Évangile numéro 114, intitulé « L’oeuvre de Luc » (2000), O. FLICHY présente clairement les données de cette thèse. Cette unité d’auteur, affi rmée par l’exégèse des Pères, a été remise en question au début du XXe siècle à partir de données historiques externes. Le diptyque forme pourtant une unité littéraire et théologique.