« Si je ne le tue pas, ce rat va mourir » - Le linguiste, le philosophe et le dramaturge

M. Pierre-Alain CAHNÉ
Mourir - n°223 Septembre - Octobre 2012 - Page n° 89

Toute réflexion sur le vivant est une réflexion sur le mourant car mourir est la situation même de la conscience de l’homme au monde. À trop séparer la fin de vie de la condition humaine en général, on risque d’oublier que cette rupture, la mort, est au cœur de notre présence au monde.

 

Tout commence par une attention étonnée portée à une phrase de Beckett, apparemment bloquée dans le paradoxe et le nonsens, dans Fin de partie : « Si je ne tue pas ce rat, il va mourir1 ». Mourir indique une présence de la conscience entre un point d’origine – la naissance, et un horizon affaissé très énigmatique que l’on appelle la mort. La littérature a souvent tenté d’approcher cette étrange odyssée de la conscience que la tradition homérique a appelée nekya et qu’un romancier fi nlandais a décrite comme un voyage touristique loufoque. L’humour est fréquemment adopté pour raconter ce voyage, que l’on peut aussi recouvrir du manteau de la tragédie. Mais l’humour est sans doute l’attitude la plus cohérente car il laisse libre des sanglots.

Dans Petits suicides entre amis2, l’écrivain finlandais Arto Paasilinna écrit une fable qui devrait être triste et dont la lecture suscite un permanent sourire. Un groupe de suicidaires invente, par exemple, une situation de suicide par asphyxie dans un local fermé où l’on a laissé tourner un puissant moteur d’autocar. La tentative échoue à la suite d’un « malheureux concours de circonstances » : « Je suis sûr que si nous avions pu installer du gaz ne serait-ce qu’une dizaine de minutes de plus, nous serions tous morts avec succès... 3 », dit l’un des candidats au suicide. Le suicidaire ne dit pas : « Je ne supporte pas l’idée [...]
 

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1. Samuel BECKETT, Fin de partie, Éditions de Minuit, Paris, 1957, p. 90.

2. ARTO PAASILINNA, Petits suicides entre amis, traduction de Anne Colin Du Terrail, éd. Gallimard, coll. Folio, Paris, 2005. 

3. Ibid., p. 145.


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