Hanna-Barbara GERL-FALKOVITZ
Manger
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n°259
Septembre - Octobre
2018 - Page n° 29
L’analyse des mythes concernant l’alimentation — sa valeur symbolique et le rapport qu'elle entretient avec le sacré et la sagesse — mène à percevoir d’abord la nourriture comme don, puis ce qui fait la spécificité du repas chrétien par excellence : l'Eucharistie, où Dieu lui-même se donne en nourriture, prémice du banquet éternel.
« Nous mangeons du pain, mais nous vivons de ce qui rayonne » Hilde Domin
Il y a plusieurs années devait avoir lieu à la télévision un débat entre deux philosophes connus qui soutenaient sans aucun doute possible des positions très éloignées en matière d’éthique. Comme ils étaient arrivés trop tôt dans le studio, on leur offrit quelque chose à manger. Et, ô surprise ! Après qu’ils eurent mangé ensemble, leur débat fut beaucoup moins agressif que les médias ne l’avaient espéré. Ils étaient entrés dans un débat plus profond que celui d’une joute intellectuelle : au niveau d’une inter-dépendance humaine, du besoin corporel partagé. On ne « tue » plus celui avec lequel on a, auparavant, rompu le pain. Cependant, à une heure décisive, il s’est trouvé un traître qui a mis « la main au plat commun » (Marc 14, 20 ; Matthieu 26, 23). Manger signifie plus que nourrir son corps : cela crée une communauté, ou la scelle. Manger, mais sans vouloir faire partie de la communauté, est l’expression même de l’abjection.
1. Sainteté du repas
1.1 Communion du groupe dans la nourriture
Dans les premières sociétés animistes et pratiquant la magie, il n’y a pas encore de formation d’un moi individuel. Il existe une puissance de vie, la mana (comme on l’appelle en Polynésie1) qui erre partout. Elle est propre à toute la tribu et circule entre ses membres. Ou, si l’on reprend une expression grecque : tout être vivant (et il n’existe aucun être qui soit non-vivant, car ce qui ne bouge pas « dort ») possède une aura, c’est-à-dire mot à mot, un léger souffle, un rayonnement. L’échange le plus profond de la force de cette aura, tout comme l’appropriation la plus intensive d’une mana étrangère se fait en mangeant et en buvant. Boire le sang de l’ennemi, manger certaines parties de son corps, en particulier les organes sexuels, à la manière des cannibales, fait passer la force de l’étranger dans le groupe des convives. Il n’est pas besoin de remonter trop loin dans le clair-obscur de l’histoire des religions pour trouver ce phénomène. Dans les traditions populaires européennes existaient [...]
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1 Voir à ce sujet Martin P. Nilsson, Primitive Religion, Tübingen 1911, Kapitel V ; Jean Gebser, Ursprung und Gegenwart (1949) Zürich 1951 ; Mircea Eliade, Article de l'Encyclopedia universalis
sur les mythes de la création ; Ibid. Traité d'histoire des religions, Bibliothèque historique Payot, 2004.
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