Le Christ des philosophes et le problème de la christologie philosophique

R. P. Xavier TILLIETTE
"Il a pris chair et s'est fait homme" - n°21 Janvier - Février 1979 - Page n° 54

Le Christ des philosophes et le problème de la christologie philosophique

Le Christ que confesse l'Eglise n'est pas un concept philosophique. Il intervient pourtant dans l'histoire de la philo-sophie, qui cherche souvent à faire une christologie philo-sophique. Reste à penser la destination christologique de toute philosophie.


SI fort, si brillant est resté dans nos mémoires l'impact de la dis- tinction pascalienne entre le Dieu des philosophes et le Dieu d'Israël qu'une expression telle que « le Christ des philosophes » suscite immédiatement la méfiance. Le Christ des philosophes ne saurait être Jésus-Christ, le Christ vivant et vrai. Le préjugé est ancré, tenace, que la philosophie a partie liée avec le rationalisme et que celui-ci, comme le prétendait jadis Jacobi, nourrit le ver d'un athéisme secret. Nous en fîmes l'expérience, à certains égards décourageante, au cours des débats du Colloque de Gallarate 1975, précisément sur ce thème. Là où le ratio-nalisme a passé, donc, la foi ne repousse plus. Si les philosophes ont parlé du Christ, le Christ des philosophes est un simulacre, un fantôme, une idole. Ou il n'est qu'un homme, saint et vénérable, certes, un héros moral, un fondateur de religion, mais rien qu'un homme. Ou bien il est, rattachée à cet homme singulier, Jésus de Nazareth, la représentation d'un idéal, voire, dans le cas le plus sublime, de la compatibilité et union intime de Dieu et de l'homme. Mais que Dieu ait pris une nature humaine, et pas seulement la forme de l'humanité en général, qu'Il ait eu cette existence historique datée, contingente, voilà qui excède, semble-t-il, toute philosophie, et ce que la philosophie doit taire ou récuser afin de rester fidèle à soi-même. C'est la réaction du païen. Il n'est pas seul à camper sur son refus : la déraison du païen est le scandale du juif. A la question pressante : ce Christ hébreu, est-il venu ? la synagogue répond par un non. Or le philosophe du préjugé est un païen qui ne veut pas être évangélisé et un juif qui ne peut pas être converti.

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